Le cas du Service de la navigation maritime de la Pologne et de la Radio “Szczecin”.
En exclusivité pour InformNapalm.par Michał Marek
Le navire “Lviv” faisait partie de la flotte polonaise encore avant la Seconde guerre mondiale. Ce fût un voilier d’apprentissage.Actuellement, le Service de la navigation maritime de la Pologne envisage d’attribuer aux 2 des 5 navires acquis les noms des villes ukrainiennes de Lviv et de Ternopil.
Le vice-président de la compagnie maritime appartenant à l’Etat polonais, Pavlo Bjezytskiy ne pense pas que ce fait suscitera des divergences d’ordre politique.”C’est un nom politiquement neutre, aussi parce que durant de nombreuses années, un de nos navires portait le nom “Les Aiglons de Lviv”.Cela ne dérangeait personne. Ainsi, le nom de Lviv ne vexera certainement personne”,-ce sont les propos de Pavlo Bjezytskiy cités dans une publication sur le site de la Radio Szczecin.
Or, ce serait étonnant si, à l’époque de la guerre d’information et de l’agression russe contre l’Ukraine, cette information ne provoque pas un large écho dans les médias ukrainiens. La nouvelle que le Service de la navigation maritime de la Pologne envisage de donner les noms des villes ukrainiennes aux navires fraîchement acquis à la Chine a atteint l’Ukraine le 15 janvier (deux jours après sa publication sur le site de la Radio Szczecin). Le site Espresso a été l’un des premiers à diffuser cette information /
Ensuite, l’information a été reprise par d’autres sites et agences d’information ukrainiens, tout comme par des médias qui sont très consultés par le Kremlin qui y puise des informations utiles.
Progressivement, l’information concernant les projets du Service de la navigation maritime de la Pologne a fait son chemin loin, vers l’Est. Et c’est là qu’ une agence d’information russe a utilisé les propos de Pavlo Bjesytskiy, en se référant à la publication de la radio Szczecin, pour, à l’aide de ces propos, confirmer sa propre hypothèse concernant des sentiments des “regrets des territoires perdus à l’est” grandissants en Pologne.
La publication de RIA Novosti “La peur du bandériste est que la Russie et la Pologne se partagent l’Ukraine, avec la rivière Zbroutch comme limite” fait penser que la Russie et la Pologne ont des intérêts communs qui pourraient se réaliser en partageant l’Ukraine entre ces deux pays. Ainsi, la “décision qui ne provoquerait pas de discorde “ a aidé la Russie à propager de la désinformation destinée au consommateur à l’intérieur du pays.
L’hypothèse concernant des soi-disant intérêts communs de la Russie et de la Pologne, tout comme celle des sentiments grandissants des regrets chez les Polonais d’avoir perdu des terres de la Deuxième République ont été utilisées pendant la campagne d’information ayant pour but de persuader les Russes qu’il y a une grave crise politique entre la Pologne et l’Ukraine. Cette hypothèse des médias russes rejoint également l’idée que la Hongrie et la Pologne s’éloignent de plus en plus de Bruxelles, en cherchant l’entente avec Moscou.
L’annonce de RIA Novosti a été publiée sur le site en polonais de Sputnik, ce clairon de la propagande russe qui émet aussi dans l’espace médiatique polonais.Cette fois-ci la publication était destinée aux lecteurs polonophones. Le titre de la publication est très éloquent : “Les navires polonais ont effrayé les nationalistes ukrainiens” [„Polskie okręty wystraszyły ukraińskich nacjonalistów”]. Cette publication est tout à fait “compatible” avec la campagne de la désinformation sensée présenter l’Ukraine aux yeux des Polonais comme étant un pays en proie au “nationalisme bandériste”
Il est important de comprendre que la nation qui pendant voila déjà 4 ans mène une guerre défensive, la nation dont une partie des terres a été annexée par un pays-agresseur demeure bien plus vulnérable que les citoyens d’un pays qui vit en paix. Nous, les Polonais, ne devons pas nous étonner si les Ukrainiens voient une menace potentielle suite à ce genre d’initiatives, que les Ukrainiens s’inquiètent lorsqu’un pays voisin (même dans un contexte symbolique) “jette un regard” sur les territoires en dehors de ses frontières.
Et pour conclure : les actions, même symboliques, comme donner aux navires polonais les noms des villes ukrainiennes (mêmes des villes présentes dans l’histoire des deux pays) n’améliorent pas les relations ukraino-polonaises, pire encore, elles détériorent l’image positive de la Pologne en Ukraine, l’image de la Pologne en tant qu’allié qui comprend très bien la menace que représente Moscou.
Ce genre d’erreurs qui, j’espère, n’arrivent que par manque d’empathie ou par méconnaissance du contexte socio-politique en Ukraine, pourraient empirer les rapporte de voisinage entre la Pologne et l’Ukraine. Il faut comprendre que toute action de ce genre du côté polonais sera exploitée par la Russie afin d’atteindre ses objectifs dans la guerre d’information. Le cas cité ci-dessus en est la confirmation. Des propos controversés de Pavlo Bjezytskiy n’ont pas seulement suscité une réaction négative en Ukraine, mais aussi ont alimenté le processus de la désinformation pour influencer le lecteur russe (consommateur interne) et le lecteur polonais et ukrainien (consommateur externe) qui visitent les sites d’information russes.
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