Les événements de mars à juin 2014 sont le résultat des plans que le Kremlin avait préparés depuis longtemps. Il y a de nombreuses leçons à en tirer.
En mars 2014, les gens se sont soulevées pour organiser des meetings, prendre le contrôle de bâtiments publics en arguant de l’épuration d’un État et d’autorités locales criminelles. Des représentants des pouvoirs locaux, du FSB et du GRU russes ainsi que du milieu local du crime organisé ont été les premiers lors de ces meetings ou en coulisses (comme organisateurs). 90% de la population locale était restée en dehors de cela, se demandant quel côté rejoindre. Les 10% restants étaient composés des membres de gangs locaux, des autorités, bien informées et préparées en amont, d’officiers du FSB (NdT: services de renseignement civils russes) et du GRU (NdT: services de renseignement militaire russe) russes préalablement installés (Je me demande encore où pouvaient bien être le SBU (NdT: services de renseignement ukrainiens), le GPU (NdT: parquet nationale d’Ukraine), le ministère de l’Intérieur et les autres services spéciaux ukrainiens à ce moment!)
En ce qui concerne les troupes russes, pas besoin d’insister longtemps, elles ÉTAIENT là, elles SONT là et ce sont sans contestation possible des troupes et de l’équipement RUSSES.
La politique nationale et ethnique (notamment dans le recrutement) dans le Donbass a toujours été celle-ci : les Russes sont partout, les Ukrainiens tout en bas de l’échelle et les Arméniens apportent le soutien armé et assurent la protection de l’élite locale.
Les évènements des 14 au 17 mai ont ouvert les yeux de beaucoup d’entre nous, mais il était trop tard. Le pouvoir avait été confisqué par les criminels d’hier et de pseudo citoyens ukrainiens venus de la grande et puissante Russie. Les premiers se sont chargés de prendre le pouvoir, de déstabiliser la situation dans la région et de gérer les premières réactions à Kyiv et parmi des locaux sur les événements en cours. Les autres ont sélectionné et recruté un « peuple fidèle » parmi les « moutons » locaux. Des officiers russes et des combattants tchétchènes étaient en ville en avril-mai dernier. Beaucoup de mes compatriotes les ont vus mais ont tourné l’œil en espérant que cette horreur disparaîtrait toute seule. Une erreur.
Aujourd’hui, les médias russes réagissent rapidement et de manière professionnelle, pas comme les médias ukrainiens. Ils connaissent parfaitement le principe de la première information sortie. Leur capacité à distiller et présenter l’information (préparation des moutons pour la tonte) est, comme les armes russes, bien meilleure que la nôtre. Nos journalistes pensent peut-être, bien faire, mais nous, sur place, on voit ça autrement ; tout le monde peut se rendre compte à quel points leurs tentatives sont étranges et vaines. De nombreux citoyens de Horlivka voudraient croire nos autorités, vivre dans une Ukraine en paix et regarder les actualités ukrainiennes. Ils voudraient bien mais ils ne peuvent pas. Il y a eu des tentatives de restaurer la diffusion des chaînes de télévision ukrainiennes dans la ville mais elles ont été stoppées. Pourquoi trahir autant notre peuple ?
Les insurgés de la RPD (quand on dit « RPD » on pense « la Russie ») ne laissent tomber personne. Après avoir bombardé la ville eux-mêmes (des centaines d’habitants de Horlivka en ont été les témoins à plusieurs reprises!), les troupes russes effectuent des tirs de réponse « justifiés » contre les positions ukrainiennes avec le soutien des « médias les plus honnêtes ».
Nous croyons en trêve et nous espérons encore plus de n’importe qui (même si c’est difficile à comprendre de l’extérieur), mais l’expérience montre que les Russes et les gangs locaux vont certainement la violer pour justifier le bombardement de la ville et de sa périphérie (également comme une forme de « sanctions économiques » russes contre l’Ukraine en détruisant l’infrastructure et les quartiers résidentiels, par le pillage et la démolition d’installations industrielles). Avec tout le sang qu’ils ont sur les mains, les bandits locaux ne sont pas heureux du retrait des troupes russes de la ville, parce que cela signifie la mort pour eux et, croyez-moi, pas des mains des forces armées ukrainiennes.
Beaucoup de sang va couler sans l’intervention des représentants de l’OSCE. Beaucoup ne veulent pas partir d’ici les mains vides. Malgré de lourds bombardements que la ville a subis, les maraudeurs locaux et russes ont encore bien de quoi s’occuper.
La population vit, mais il est difficile d’appeler ça une vie. Elle dort la nuit mais d’un sommeil court et troublé. Elle va au travail sans vraiment comprendre pourquoi et, plus grave encore, sans savoir pour qui elle travaille. Elle protège ses enfants sans pouvoir prédire de quoi le lendemain sera fait et c’est cela le plu dur pour tout parent.
C’est difficile de tout décrire d’un coup ! Il y a tant de choses dans nos têtes : du ressentiment, de la colère, de la peur pour les proches qui ont réussi à sortir de la ville et pour ceux qui y sont restés. Ici, la réalité se mélange au pire des cauchemars. La seule chose qui reste vraiment indestructible est l’espoir et la foi en notre pays. Ce n’est pas la première fois que nous nous trouvons au bord du gouffre et ce ne sera pas la dernière. Nous sortirons vainqueurs et la tête haute de cette situation désespérante.
Arthur Kornik, habitant de Horlivka, a rédigé ce texte spécialement pour InformNapalm.org. Reproduction autorisée en indiquant le nom de l’auteur et une référence à notre site.
Traduit par Marc de la Fouchardière
Original de l’article https://informnapalm.org/5847-gorlovka-glazamy-gorlovchanyna