
Récemment l’AFP a publié deux articles (article 1, article 2) sur les « Républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk. Leur contenu est, certes, intéressant et il est important de donner la parole aux civils qui se sont retrouvés sur les territoires occupés. Par contre le langage de ces articles est pour le moins inquiétant. On y retrouve les termes comme “rebelles”, “armée de Kiev” et “insurgés”. Les mots “républiques”, sont, pour leur part, écrits sans guillemets et sans préciser, qu’elles sont auto-proclamées, ce qui s’assimile à de la reconnaissance partielle.
Un éclairage sur la situation est apporté dans un article récent de Paul Gogo, « Pour une raison mystérieuse, le service chargé des accréditations à Donetsk mène un combat radical visant à empêcher l’utilisation du mot “séparatiste” dans les reportages des correspondants étrangers ». Et ceci n’est qu’un exemple de la censure instaurée. Contrairement à de nombreux médias étrangers, certains journalistes de l’AFP, ont, visiblement, décidé de se plier aux exigences des milices (pro-) russes et de reprendre, mot par mot, la terminologie de la propagande russe, au lieu de dénoncer une violation flagrante de la liberté de la presse.
Ceci est d’autant plus déplorable que la presse germanophone arrive à écrire sur la vie des républiques fantoches sans faire de compromis en ce qui concerne les standards du journalisme. Dans son article récent, BILD note que régulièrement les milices tirent à partir de la ville de Donetsk, afin de provoquer des tirs en retour et accuser l’armée ukrainienne de bombardements sur les quartiers civils. Un habitant de la ville affirme que beaucoup d’éléments de leur vie « correspondent à sa vision de la vie en Corée du Nord » :
« Par exemple, comme en Corée du Nord, on nous oblige littéralement à marcher en formation et à crier, combien tout est super et combien on aime notre leader Alexandre Zakhartchenko ».
Les parents de cet habitant de Donetsk, pour leur part, sont obligés de manifester contre l’Ukraine et pour la Russie. Enfin, il dit que « la République populaire fonctionne sous le contrôle total de la Russie ». Les “autorités” locales « font ce que leur disent leurs chefs : si l’on leur dit d’organiser une manifestation, ils l’organisent. Si l’on leur dit de rassembler cinq milles manifestants, ils le font… ». Voilà la vie sous occupation, dont, visiblement, l’AFP préfère ne pas parler avec les mots justes.
Une étude intéressante a été publiée récemment. C’est une analyse sur la désinformation diffusée par les régimes autoritaires et sur les moyens de la contrer. Une des recommandations est de créer un classement de « désinformation » pour les médias. Pour ces derniers reportages de Donetsk et de Louhansk, l’AFP aurait eu environ 6/20: félicitations pour l’effort, mais d’autres font beaucoup mieux.
Par Igor Reshetnyak