par Vitaliy Portnikov pour Espresso.tv
Suite aux propos tenus par l’ex-oligarque Viktor Pinchuk et l’ancien diplomate Vassyl Filiptchuk concernant l’utilité de la tentative d’un possible “compromis” au conflit avec la Fédération de Russie, (ce qui serait aussi l’idée du président des Etats-Unis, Donald Trump) la communauté d’ experts politiques ukrainiens s’est lancée dans les discussions à ce sujet.
Toutefois, seule l’idée de discuter de ce “compromis” est un “cheval de Troie” dans notre esprit, sans lien avec la réalité et qui ne sert pas à rétablir la vérité, mais à détruire la souveraineté d’Ukraine en tant qu’État.
Est-ce que l’Ukraine peut devenir un état neutre, comme c’est le cas de la Finlande ou de l’Autriche ? Certainement, oui, puisque rejoindre l’OTAN n’est pas le but principal. Toutefois, il faut rappeler que c’est justement de cette façon que l’Ukraine a fait parler d’elle en 1991. Après l’arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch, la “neutralité” d’Ukraine a même été stipulé par la loi. Mais cela n’a pas empêché à la Russie de Poutine d’annexer la Crimée et déclencher la guerre dans le Donbass. Et ce n’était pas parce que l’Ukraine souhaitait rejoindre l’OTAN, que la Russie a déclenché les hostilités. Son prétexte a été de vouloir “défendre” les russophones.
La neutralité de la Finlande ou de l’Autriche c’est le résultat des guerres. Pour l’Autriche, c’était un compromis vis-à-vis des alliés de la coalition anti-hitlérienne. Dans le cas de la Finlande, ce fût le compromis avec les Finlandais qui a permis à l’URSS de ne pas s’engager dans une guerre sur le territoire de ce pays, à l’époque des combats décisifs contre le Reich.
La neutralité de la Finlande est obtenue suite à 2 guerres “la guerre hivernale” et la “suite de la guerre”. Mais le plus important, c’est le fait qu’à Moscou on a cessé de considérer la Finlande comme une part de l’empire russe, alors que l’Ukraine, dans la perception de Poutine et de grand nombre de ses compatriotes, la reste toujours. C’est une « maladie » qui se soigne uniquement avec le temps. Lorsque les Ukrainiens vont percevoir les Russes comme les étrangers, leurs langue et culture en tant que le patrimoine d’un pays étranger, lorsque les Russes viendront à Kyiv ou à Kharkiv, comme ils viennent à Helsinki ou à Varsovie, le fait que l’Ukraine soit un pays neutre ou membre de l’OTAN, n’aura aucune importance.Les Pays Baltes font partie de l’OTAN, mais la Russie a attaqué l’Ukraine. Parce que les Pays Baltes sont perçus comme l’étranger, mais pas l’Ukraine.
Poutine n’a pas besoin ni de la Crimée ni de Donbass. Pour lui, davantage de territoires occupés c’est un fardeau. Mais, en même temps, c’est le moyen de conquérir le reste du territoire de l’Ukraine.
Cela peut se passer par l’invasion militaire, avec les chars et les bombardements. Cela peut arriver par la voie politique: mettre en place à Kyiv le gouvernement qui détruirait la souveraineté d’Ukraine. On y pense à Moscou, depuis 1991.
Lorsque Poutine a proposé au Président de Belarus, Loukachenko, que certaines régions “rejoignent” la Russie, il a été tout à fait sérieux : pour Poutine, les régions de Belarus c’est comme la Russie, aucune différence. Et Poutine, et n’importe quel Russe, chauvin et inculte, voient les choses exactement comme ceci,
Alors, si l’oblast de Moguilev ou de Vitebsk peut ainsi “rejoindre” la Russie, pourquoi la région de Donetsk de Kharkiv ou de Tchernihiv ne le feraient pas ? Où est la différence ?
Tous les discours concernant le “compromis”avec Poutine sur la Crimée sont dirigés à détruire la souveraineté politique d’Ukraine. De tels propos peuvent être tenus soit par des “rêveurs” qui n’imaginent même pas quels sont les buts réels du Kremlin, soit par de francs adeptes de la politique de Moscou. En Occident il y a de nombreux adeptes de la politique du Kremlin, comme nous avons pu constater, il y en a aussi en Ukraine. Il faut clairement les identifier pour mieux les contrer. Pour ce qui est des “rêveurs”, il vaut mieux les ignorer. Je ne vois pas de meilleure voie à suivre, afin de garder la tête froide pour préserver la souveraineté d’Ukraine.
Original de l’article en ukrainien : ici