En 2014, l’agression russe perturbe brutalement la vie paisible des milliers de gens dans l’Est de l’Ukraine. Des enfants-orphelins, des familles des déplacés internes, ceux qui ont décidé de rester dans la zone proche à la ligne du contact,-tous cs destins qui ne laissent pas indifférent, qui incitent à agir pour aider, soulager le quotidien, leurs montrer qu’ils ne sont pas seuls… Nous publions le récit de Cyril Bogaert qui continue toujours son action d’aide humanitaire aux enfants ukrainiens.
12 janvier 2016, 7h00 du matin, Sieverodonestk, Oblast de Louhansk, Ukraine. En sortant du camion, les -23° degrés nous saisissent et nous glacent alors que nos pieds n’ont pas encore touché le sol gelé. La nuit fut courte, partis de Kharkiv la veille, à 23h30. Ballotés au grès des virages et des plaques de verglas, impossible de fermer l’œil. Pourtant le chauffeur est rompu à cette route, il fait le chemin tous les 15 jours, convoyant des dons collectés par l’équipe d’Igor des « volontaires de Kharkiv «
Les portes de l’orphelinat s’ouvrent ,la directrice de l’établissement se dirige vers nous, les bras ouverts. On procède au déchargement. Il faut faire vite, il reste encore beaucoup à faire. On dispose les jouets, vêtements et chaussures au pied du sapin, dans la grande salle de l’orphelinat . Les enfants arrivent, en ordre et s’assoient en attendant qu’on les appelle. Nous entrons dans la salle sous les applaudissements de 120 gamins et d’une vingtaine d’adultes membres du personnel éducatif. Le moment est plus qu’émouvant, j’essaie de garder le sourire devant tous ces gamins! Un an qu’ils n’ont absolument rien eu, pas un vêtement, pas un cadeau, rien de rien. En traversant la salle, je me souviens comment tout ça a commencé, si je m’étais douté…..
Février 2014, des Infos viennent d’Ukraine en pointillés : des manifestations de grande ampleur secouent cette ex-république soviétique. C’est à peu près ce que je comprends. Je ne connais pas l’Ukraine , mais vraiment pas ! Déjà, sur le net, des informations mentionnent des tirs sur la foule. Un ami, ancien militaire, lui aussi publie sur un réseau social, son intention de rejoindre l’Ukraine pour aider le peuple qui se soulève contre la présidence mais aussi pour stopper l’invasion qui commence à l’est . Je me mets en contact avec lui courant septembre , je veux en savoir plus ! Après quelques échanges, je décide d’envoyer des jouets et des affaires scolaires. Rendez vous est pris courant novembre avec un membre d’une association qui œuvre pour les populations civiles ukrainiennes. Le courant passe, la conversation ne me laisse pas de marbre… 2 semaines plus tard, ma décision est prise, je veux aller livrer des dons là bas. J’ai une petite connaissance de « l’humanitaire « , on ne se refait pas !
Kiyv, janvier 2015, nous arrivons avec un ami à l’aéroport de Borispyl. Nos sacs sont remplis de cahiers, livres, stylos, feutres…. Direction l’école 110. Une école francophone accueillant des » déplacés de l’intérieur » . Le contact avec le personnel pédagogique est plus que chaleureux. Certains deviendront de vrais amis. Je viens de découvrir un peuple qui me rendra fier d’aider .
De retour en France , je rejoins l’association comme membre actif. Je parle autour de moi de ce pays que je viens de quitter, j’ai envie d’aider un peu plus ces Ukrainiens, si seuls face à l’ogre Russe. Collectes, demandes de dons et récupération de vêtements ponctuent mes semaines. Les mois passent et je décide de retourner livrer des colis. Un centre d’accueil pour orphelins déplacés et 2 associations recevront cette fois ci des jouets et des vêtements. La détresse est plus que flagrante dans cette colonie de vacances transformée en orphelinat. Les bâtiments, hors d’âge, sont délabrés. Le personnel s’occupe des enfants avec leurs maigres moyens. On manque de tout. Et ce n’est pas mes deux sacs, même pleins, qui vont résoudre tous les problèmes. J’apporte 10 paires de chaussures, il en faudrait 30. J’offre 10 cahiers, il en faut 50.
Ce séjour là fut un déclencheur. Il faut envoyer plus, beaucoup plus. Dès mon retour et grâce à la générosité de nombreux donateurs, nous réussissons à remplir un camion complet de dons. Il nous faut maintenant l’envoyer en Ukraine… Après une entrevue avec Monsieur Yves Jego, député -maire de ma ville, une entreprise de transport nous offre un camion et un chauffeur pour convoyer nos dons. Peu de temps après, nous décidons avec deux amis, Benoît et Gregory, de créer notre propre association « Solidarité France Ukraine ».
Janvier 2016, Schastya.
La camionnette s’arrête devant une maison, perdue dans l’immense étendue de neige. Une petite tête brune apparaît dans l’embrasure de la porte. 2 enfants sortent, puis 2 autres et enfin, un homme. Ces gens appartiennent à une famille qui accueillent les plus démunis, directement sur la ligne de front. On offre des vêtements, des chaussures, des bonbons. Tout le monde ici a perdu un frère, une sœur, un père ou sa maison. La guerre est là, toute proche, au bout du champ, dans tous les yeux, dans tous les mots.
En France, nous recevons l’aide de volontaires qui se proposent de convoyer des dons. Le plus compliqué dans le transport, c’est le passage de la douane ukrainienne. Ceux-ci sont parfois retors et peu compréhensifs. Il suffit d’un détail pour se voir refuser l’entrée en Ukraine et devoir refaire tous les pays. Le chargement peut être également retenu de longues semaines pour des vérifications supplémentaires et un « passage en commission ». Toute cette bureaucratie décourage parfois les bonnes âmes et les initiatives.
Janvier 2017, Kharkiv.
Troisième hiver que je viens en Ukraine. 3 ème action conjointe avec l’équipe d’Igor. En plus des dons que nous apportons et grâce à un généreux donateur, nous pouvons faire des achats dans l’immense marché de Kharkiv. Chaussures, pyjamas et, une fois de plus, matériel scolaire seront dans la camionnette qui roulera demain pour Mariinka…
« Solidarité France Ukraine » s’attache à subvenir aux besoins des plus jeunes. Parmi ces besoins, le matériel scolaire tient une place très importante, ce sont les enfants d’aujourd’hui qui seront les étudiants de demain et les adultes d’après demain. Malgré les affres d’une guerre, l’éducation, la culture et la connaissance doivent rester des priorités . Nous pourvoyons également à des besoins plus « basiques » mais non moins nécessaires comme l’achat de chaussures pour de jeunes orphelins restés près de la ligne de front. Récemment, nous avons financé l’achat de tenue de ski à une famille de 5 enfants qui ont perdu leur papa à la guerre. Il nous apparaît essentiel que ces enfants doivent bénéficier d’une enfance normale autant que possible. C’est l’Ukraine de demain qui est en jeu.
Enfin, nous attachons une grande importance aux collaborations et aux synergies avec d’autres associations afin de gagner en efficacité comme ce fut le cas par le passé avec AMC. L’union fait la force et c’est un aspect où il y a encore des progrès à faire afin d’augmenter l’aide qui arrive sur place.
Par Cyril Bogaert, les photos de la SFU,
Sur la photo principale, Cyril avec Ludmila de l’association « Partiot ».