Nous publions sur notre site la traduction de l’article de Roman Tsimbaliuk, journaliste ukrainien de l’agence UNIAN, basé à Moscou.
Ce 12 février, déjà deux ans se seront écoulés depuis la signature de Minsk-2. Ce jour-là, 18 heures de pourparlers entre l’Ukraine, l’Allemagne, la France et la Russie ont eu lieu dans la capitale de la République du Bélarus. En dépit du fait que les documents ont été signés par les représentants de la Russie, y compris le président Poutine, le Kremlin continue de prétendre qu’il n’est pas « une partie au conflit ». Dans le contexte de la poursuite des combats sur la ligne de contact, les politiciens russes de différents niveaux exigent de Kyiv, comme des perroquets, de légaliser les « jeunes républiques » du Kremlin. Moscou a affirmé et continue de le faire, qu’elle ne permettra pas le démantèlement des soi-disant républiques « LNR/DNR » qui, en fait, ne servent que de couverture et de légalisation à l’occupation russe. Si l’on étudie les documents signés, ces abréviations de trois lettres n’y figurent d’ailleurs pas. Il s’agit exclusivement de certains districts des régions de Donetsk et Louhansk.
Les initiateurs du processus de paix de Minsk, la France et l’Allemagne, ont offert à Poutine, il y a deux ans, une dernière chance de retirer ses troupes de l’est de l’Ukraine et de sauver la face. Ce n’est pas par hasard si les sanctions imposées contre la Russie sont étroitement liées à la mise en œuvre intégrale de ces accords et à la reprise du contrôle de la frontière russo-ukrainienne. En pratique, cela signifie le retour de l’ours russe à la maison, dans sa toundra. Donc, il ne faut pas croire que l’Occident ne comprend pas la situation dans le Donbass. Tout est clair pour tout le monde, mais personne ne sait quoi faire après.
Deux ans plus tard, les doutes se sont complètement dissipés et il est peu probable que quiconque dira que Minsk-2 a été écrit au verso de Minsk-1, du Mémorandum de Budapest ou du Traité d’amitié entre l’Ukraine et la Russie.
Les engagements politiques des accords de Minsk, prévoient la tenue d’élections locales, mais au Kremlin, pour une raison quelconque, ces élections sont perçues comme une sorte de savoir-faire à la russe. Autrement dit, ces élections doivent se dérouler conformément à la réglementation russe lorsque le «gagnant» est connu à l’avance. De vrais compétiteurs dans la course électorale ne sont pas autorisés. Moscou compte les votes et légalise les candidatures de ses sbires. La nouvelle réalité russe ne laisse même plus de place aux anciens du Parti des régions, réfugiés à Rostov ou à Kyiv. L’ancien « maître » de Donetsk, Rinat Akhmetov peut continuer à fournir une aide humanitaire aux territoires occupés, mais ne doit pas compter obtenir un bonus « politique ». Les élections ne lui permettront pas de revenir dans le Donbass. Dans le monde créé par Moscou, tout homme politique ukrainien est considéré comme adepte de « Pravyi Sektor ».
Une nouvelle vitrine du « monde russe » a été créée dans la partie occupée du Donbass : la pauvreté, le désespoir et l’impuissance, sous la bannière d’un groupe de brigands. Ce concept tient exclusivement grâce aux munitions, aux roubles et aux « touristes » russes. Si tout est clair concernant les roubles, la structure militaire présente quelques astuces. Le Kremlin a créé sur les territoires occupés deux corps d’armée, où l’on recrute des habitants locaux pour servir de « chair à canon » pour 15 mille roubles par mois. Ces héros sont dirigés et supervisés par des militaires de carrière en provenance de Russie. Quelque chose de semblable avait existé en son temps au sein de la Wehrmacht, quand elle a mis en place l’Armée de libération de Vlassov sur les territoires occupés. Derrière les collabos modernes, on devine des unités militaires russes, qui poussent comme des champignons sur le territoire de la Fédération de Russie avoisinant des zones occupées.
La création de cette « filiale » de l’armée russe est la preuve la plus importante de la réticence du Kremlin à respecter les accords de Minsk et à se retirer du Donbass.
Durant ces deux dernières années, les tuteurs du Kremlin se sont très bien débrouillés. Les combattants arborent les uniformes de l’armée russe, ils sont équipés d’armes russes et du matériel militaire russe. La télévision sur les territoires occupés ne diffuse que les chaînes russes. Les dirigeants des « insurgés » sont entourés par les « journalistes militaires » russes. Seuls les roubles russes ont cours légal. Dans les écoles, on utilise des livres russes et les programmes éducatifs russes. Les documents des autorités d’occupation sont reconnues en Russie. La frontière est contrôlée exclusivement par le FSB de la Russie.
Tout ce qui est ukrainien est expulsé et interdit. Dans ce contexte, les Russes claironnent qu’il s’agit d’un « conflit intérieur ukrainien. » Ces déclarations stupides ne peuvent être prises au sérieux seulement par les citoyens russes. En outre, de nombreux Russes sont bien conscients du rôle clé de leur pays dans ce conflit, mais ils aiment être fiers que « Poutine les as tous battus. »
La politique agressive du Kremlin n’a pas changé, voilà pourquoi le processus de Minsk se meurt, après s’être retrouvé dans une impasse. Néanmoins, le document en question, et sa réalisation partielle, ont permis à l’Ukraine d’avoir le temps de réorganiser l’armée et de creuser des tranchées plus profondes le long de la ligne de front.
Quoi ensuite ? Les deux parties du conflit – la Russie et l’Ukraine – exigeront publiquement l’une de l’autre le respect des accords de Minsk en affirmant leur caractère irremplaçable. Sur le terrain, la situation ne devrait pas évoluer. Les gens continueront de quitter le Donbass occupé. En même temps, le Kremlin alternera la pression militaire et les menaces d’invasion de Kiev en l’espace de deux semaines, avec de nouvelles tricheries politiques. Comme, par exemple, celle qui consiste à remplacer les combattants comme Givi et Motorola, qui ont du sang sur leurs mains, par des escrocs respectables en costume, comme Pushilin .
Dans un avenir proche, le Donbass occupé et la Crimée annexée demeureront les monuments de la trahison russe et de la haine russo-ukrainienne.
Par Roman Tsimbalyuk, Moscou
Texte original sur UNIAN