Alors, aujourd’hui les combattants-boéviks se protègent avec les corps des enfants et utilisent cela comme une technique militaire et politique efficace. Il y a trente ans, Greg Stilson s”était protégé avec le corps d’un enfant et a été anéanti. J’aurais envie de l’appeler “pauvre homme” Ce pauvre Greg a devancé son époque , tout comme Léonard de Vinci avec ses croquis d’hélicoptère.
Qu’est-il arrivé à la morale ?
Mais, pardonnez-moi, où sont passées les notions du bien et du mal de “on peut” et “on ne peut pas”, de “il faut” qui est plus important que “je veux”?
Elles sont réellement disparues quelque part.
On ne remarque pas cela uniquement par rapport aux actions mais aussi par rapport au langage. Au lieu de caractéristiques évaluatives et d’autant plus qualitatives apparaissent tout à fait autres caractéristiques, compréhensibles et persuasives, du premier vue mais privées de tout sens. Je les aurais appelé “paramétriques”. Elles sont comme des paramètres mathématiques et elles ignorent l’évaluation et le contenu presque délibérément.
Lorsque à la fin des années 1990, mon ami Gleb Pavlovskiy a créé la Fondation de la politique efficace, ce fût en quelque sorte une révolution de sens. Avant la politique pouvait être démocratique, libérale, conservatrice. Et, par conséquent il y avait des fondations et centres d’analyse dotés de ces sens.
Mais voilà qu’à la place du contenu se trouve le paramètre . De quelle politique avons-nous besoin? Efficace. Ni bonne ni mauvaise, ni démocratique, ni libérale,ni conservatrice, ni chrétienne ni communiste. Mensongère ou véridique? Utile ou néfaste, à la fin? Aucune importance. Efficace, point final. Un problème urgent apparaît alors il doit y avoir une solution rapide.
Plus on avance, plus on en voit de toutes les couleurs.
Le développement doit être dynamique. Pas le développement du capitalisme ou du socialisme , des fermes ou des kolkhozes, des entreprises ou des boîtes peu sérieuses, mais tout simplement le développement dynamique d’ on ne sait quoi.
Le leader serait énergique fort, dur ( peu importe de quoi il s’occupe). Le programme sera avec des perspectives à long terme (et personne ne demandera combien de temps ça va durer). Mais le principal fétiche de la modernité c’est le mot”moderne”.Pardonnez-moi ce jeu des mots involontaire. Qui va contredire le fait que le camp d’Auschwitz a été bien plus moderne que les prisons du XIXième siècle? Et en même temps, le mot “moderne” porte en lui une sorte de poésie grandiose du non-sens consommateur.
Pourquoi “consommateur”? Parce que la publicité fait comprendre aux gens que la voiture, le portable, l’ordinateur, l’appartement, le pantalon, le mascara et le soutien-gorge du style push-up doivent absolument être les plus récents et les plus modernes.On est fin août? Il est temps de renouveler sa garde-robe avec les affaires de la nouvelle collection Automne 2014. Pourquoi le mot ”non-sens”? Parce que la collection d’automne n’est différente de la collection du printemps sauf par la couleur des fils d’une couture négligée.Et cela ne concerne pas que les articles de couture.
On devient marxistes sans le vouloir, en observant avec tristesse comment l’économie déforme la morale.
La tendance de la croissance économique à tout prix c’est limite, le désir de produire et vendre sans aucune idée d’utilité de ce qu’on produit et de ce qu’on achète.
Personne n’enseigne le mal aux gens délibérément. Nulle part, sur aucun panneau publicitaire on ne trouve l’appel de prendre les enfants en otage. Que Dieu nous en garde! C’est un mauvais rêve! On y voit de ces doux poupons dans les bras des parents rayonnants! Mais il existe une sorte d’influence non spécifiée sur la raison et le comportement des gens. Le tissu comportemental est composé de nombreux fils. Il ne faut pas dire à une personne ; “Sois salaud!”. Du coup, par pur esprit de protestation, elle deviendra le preux chevalier, et là, bonjour les problèmes! Il faut lui dire : “Roule au volant de ton rêve!”, c’est à dire, au volant d’une voiture neuve.. Il faut
répéter : “ce nouveau mascara rend vos cils plus moelleux de 45% et il vous rend plus attirante de 33%!” Ou “Prends un voyage à crédit!”
Peut-on se divertir à crédit? Ce sera “trancher la gorge” à son avenir. Tout comme Anton Tchekhov s’exprimait en parlant de l’acompte sur salaire. Est-ce qu’un jeune-homme de 20 ans doit rêver d’une voiture à la mode et non d’avoir un bon travail? A quoi bon une femme de 30 ans (épouse et mère) aurait besoin d’être plus attirante de 33% ? Pour, au lieux de deux amants en avoir trois? Ou peut-être pour que son mari l’aime de 33% plus fort? Mais qu’est ce que c’est que ce mari qu’il faut attirer au lit,-ou obliger à faire les courses,-à l’aide du moelleux des cils? Sinon, il laissera tomber tous ses devoirs, et les devoirs familiaux et le devoir conjugal?
Et l’apothéose de tout ce marasme consumériste c’est la phrase “Parce que je le vaux bien!” Aucun avantage ne tombe du ciel, mais est échangé contre un travail honnête. Digne d’un avantage est celui qui a en a gagné le droit en travaillant. Sinon,-excuses-moi. Mais l’idée consommatrice sur les droits de l’homme prend le dessus.
Les gens commencent à croire que non seulement la société mais aussi l’Etat sont non seulement obligés de protéger leurs biens mais aussi leur procurer le pacage complet d’avantages; pourquoi? Bah, “parce que je le vaux bien!”
Tout comme les habitants de l’enclave terroriste sont sincèrement convaincus que l’Etat contre lequel ils se battent doit leur fournir de l’eau, de l’électricité les médicaments et même les matériaux de construction. Et ils reçoivent ce qu’ils attendent. Pourquoi? Et bien, bien sûr! Ce sont des êtres humains, donc ils ont droit de vivre décemment. Même s’ils tirent sans cesse sur celui qui leurs fournit tous ces privilèges.
Si l’on s’amuse pendant des années à mettre en tête de n’importe quel humain qu’il doit vivre pour son plaisir et que tout le monde lui est redevable, on obtiendra inévitablement un salaud. Celui, qui en somme, va tirer en se protégeant avec les corps des enfants.
Auteur Denis Dragounskiy
Traduit par Viktoria Mait