
Ce texte est la traduction du contenu du film « RPL, histoire d’une aventure » de Hromadske.tv et de informator.lg.ua, la narration est par Konstantin Reutski de Vostok-SOS.
Le conflit à l’Est de l’Ukraine a entraîné la mort de près de 5 000 civils et quelques milliers de soldats de l’armée ukrainienne. Plus de quatre mille maisons, routes, infrastructures ont été détruites ou endommagées au cours des opérations militaires. Selon les informations obtenues par des organismes publics, plus d’un million de personnes ont quitté la zone de conflit en 2014.
Qu’est-ce qui a causé cette catastrophe? Comment le conflit a-t-il commencé et s’est-il développé? Qui sont ces gens inconnus, qui sont devenus des « chefs » du mouvement séparatiste et ont pris la responsabilité de gouverner le destin des millions de personnes?
Pour répondre à ces questions, nous devons revenir en 2013, quand le pouvoir de Ianoukovitch semblait être plus fort que jamais, la coalition au pouvoir semblait solide et le Parti des régions soutenu par la majorité de la population des régions de l’est.
Au printemps 2013 le Parti des régions, marchant déjà dans le sillage de la propagande officielle russe, a commencé à débattre activement d’un mythe, celui du néofascisme qui soi-disant se renforçait en Ukraine. L’Union panukrainienne Svoboda a été qualifiée de « fasciste » et il en a été ainsi avec tous les parlementaires d’opposition. Les premières marches notables « antifascistes » se sont multipliées dans le pays en mai 2013. Des fonctionnaires et des étudiants, qui ont été forcés de participer à ces actions, ne pouvaient pas expliquer ni à cette époque, ni plus tard, contre quoi ils protestaient. Au début, un tel « antifascisme » bureaucratique et déguisé semblait ridicule. Mais la déclaration d’une « menace fasciste » répétée à plusieurs reprises dans les médias contrôlés par le gouvernement a commencé à former un état d’esprit et un modèle comportemental dans la population de l’Est.
En décembre 2013, le gouvernement et ses médias assujettis ont commencé à désigner comme « fascistes » et « nationalistes extrêmes » tous les participants aux actions anti-gouvernementales sans réserve. Il est alors devenu évident quelle était la route pour laquelle ils posaient des pavés.
Mais il convient de noter, qu’en dépit de tous les efforts, les autorités ont échoué à former une majorité fidèle à l’Est du pays. Les militants de Louhansk, qui ont participé à des manifestations en 2004, ont noté que durant les premiers mois d’Euromaïdan, ils étaient soutenus par beaucoup plus de gens de la région que 10 ans auparavant lors de la « révolution orange ». L’agressivité envers les manifestants à Louhansk, selon ces derniers, était plus faible qu’avant. Les manifestations de décembre ont clairement montré que le niveau de confiance envers Viktor Ianoukovitch avait considérablement diminué et que la plus grande partie de la population du Donbass soutenait les revendications d’Euromaïdan.
La situation dans le Donbass est-elle un conflit civil? Je suis sûr que non. Il y n’avait pas de conditions préalables pour une confrontation civile. Le conflit n’a pas d’autres motifs que celui du désir des élites locales de conserver leurs actifs et leur influence dans la région. Et aussi l’intention des autorités russes de garder l’Ukraine dans son orbite. Le Kremlin a probablement garanti un soutien aux élites politiques locales qui ont utilisé le personnel administratif qui leur était fidèle et des médias régionaux pour attiser l’hostilité entres les Ukrainiens de différentes régions et opinions politiques.
La confrontation à l’Est a commencé avec quelques petits groupes de provocateurs, dont la tâche était d’empêcher l’organisation des actions d’Euromaïdan à Louhansk et à Donetsk. Des militants de Louhansk et de Donetsk se sont mobilisés pour manifester contre le régime de Ianoukovitch immédiatement après le début des troubles à Kiev. Des élites dirigeantes locales ne sont pas restées en désarroi très longtemps. Dès le début décembre, les premiers groupes radicaux, formés d’éléments proches de criminels, ont commencé à attaquer des manifestations pacifiques. Dans la région de Louhansk, le travail de création de ces groupes a été réalisé par des personnes proches du « propriétaire de la région de Louhansk », Alexander Efremov, alors à la tête du groupe du Parti des régions au sein du parlement ukrainien. A la tête des provocateurs, on trouve alors Alexandre Kharitonov, qui sera proclamé premier « gouverneur populaire » de Louhansk en mars 2014 par le « peuple rebelle ». Ce sont ces groupes radicaux et mercenaires qui ont servi plus tard pour former le mouvement « Garde de Louhansk » et qui avait déjà un certain, quoique modeste, soutien public. Il a été rejoint par des habitants de Louhansk indignés par la radicalisation des protestations d’Euromaïdan à Kiev. Les élites régionales d’alors ont aussi mis beaucoup d’efforts pour former ce mouvement : dès la mi-janvier et surtout dans la première moitié de février 2014, la presse régionale contrôlée par les autorités locales s’est mise à attiser une hystérie « anti-Maïdan ». Le gouvernement régional a appelé les habitants de Louhansk à organiser des « milices populaires » pour se défendre contre les « banderistes » qui auraient l’intention de s’emparer des bâtiments administratifs du centre régional. Ce mouvement, cependant, n’a pas eu de nom unique adopté par tous, ni d’idéologie cohérente. Ses « chefs » n’étaient connus par personne. Leurs slogans ont été façonnés par des conseillers en communication, travaillant pour des élites locales, et d’un mois à l’autre ces slogans sont passés de « soutenir le président sortant » en janvier, à des appels à Poutine « d’envoyer des troupes à l’Est de l’Ukraine » en avril et mai.
Courant février et mars, l’anti-Maïdan devint davantage radical et agressif et adopta de plus en plus distinctement une rhétorique pro-russe. De plus en plus de « touristes politiques » arrivèrent dans la région de Louhansk. Ainsi sont nommés les citoyens russes dont la tâche est de générer une opinion publique requise par le Kremlin et de pousser les mécontents locaux à des actions radicales. En mars la « Garde de Louhansk », les « milices populaires » d’hier et des cosaques attaquèrent un rassemblement, considérable mais toujours pacifique, en faveur de l’unité de l’Ukraine dans le centre de Louhansk, battirent brutalement ses participants et occupèrent de force le bâtiment de l’administration régionale de Louhansk. Ce jour-là, le drapeau tricolore russe fut
hissé pour la première fois sur le mât au pied du bâtiment et le premier « gouverneur populaire » proclamé. Cependant, l’occupation est de courte durée : les « protestataires » n’arrivèrent pas à formuler des exigences claires, sauf la démission du fraichement nommé chef de l’administration régionale, et se dissipèrent aussitôt. Pour les élites dirigeantes locales cette occupation fut simplement une occasion de montrer les dents aux nouvelles autorités de Kiev. Mais apparemment elles n’arrivaient pas à passer un accord avec Kiev, comme cela a été fait en 2005. Des chefs locaux du Parti des régions risquaient d’être poursuivis en justice. Les enjeux augmentent.
De toute évidence, la mise en œuvre du « scénario criméen » ne marche pas à l’Est de l’Ukraine. Poutine a surestimé son influence sur l’état d’esprit des habitants du Donbass. Il faut passer à des scénarios plus durs. C’est probablement à ce moment qu’Alexander Efremov et son entourage, assurés par Kremlin, décidèrent de poursuivre l’escalade du conflit. Les groupes radicaux furent armés et, déjà au début d’avril, les extrémistes pro-russes s’emparèrent sans résistance du bâtiment principal des Services de Sécurité d’Ukraine dans la région de Louhansk. Un millier d’armes automatiques se retrouvèrent entre les mains des milices. Le centre de Louhansk est alors interdit d’accès, de parfaits inconnus (dont nombreux sont liés d’une manière ou d’une autre aux affaires illégales d’Efremov) s’autoproclamèrent « dirigeants de la République populaire de Louhansk ». La police et les Services de Sécurité d’Ukraine de l’Ukraine ne firent rien pour localiser les milices armés. Des manifestations pacifiques des militants pro-ukrainiennes continuèrent mais ne purent plus influencer la situation.
La propagande a porté ses fruits : les milices armées ont déjà à ce moment un certain soutien public. En avril, de quelques centaines à quelques milliers de personnes rejoignent quotidiennement les manifestations sous les bâtiments occupés des Services de Sécurité d’Ukraine. En même temps, les raisons de leur colère et les demandes exprimées ne sont pas très différentes de celles de Maïdan : les gens sont fatigués de la corruption et du pillage de la part des fonctionnaires, ils veulent des autorités honnêtes, une réforme du pouvoir local et la possibilité d’influencer les décisions prises en leur nom. Ils sont contre les oligarques au pouvoir, mais les « chefs » des manifestants évitent dans leur discours, de manière étrange, de mentionner les noms des politiciens et des oligarques locaux qui ont conduit à l’appauvrissement de la région. La solution à tous les problèmes proposée aux manifestants est l’adhésion de la région de Louhansk à la Russie.
Le « gouverneur populaire » Valery Bolotov, un ancien chauffeur des Efremov, n’est évidemment pas en mesure de prendre des décisions indépendantes. Il est mal éduqué, n’est pas en mesure de diriger les gens, a du mal à parler en public. La rumeur veut que les textes de ses discours (que Bolotov a eu même du mal à lire) soient écrits par un autre « homme d’Efremov », le directeur de la télévision et de la radio régionale Rodion Mirochnik. Les « chefs » des milices n’avaient alors pas de plan d’action clair, n’étaient pas prêts à la lutte armée et voulaient trouver un compromis. La recherche d’un compromis continua durant tout le mois d’avril. Les négociations se passaient à tous les niveaux, du gouvernement aux militants locaux. Le gouvernement central était prêt à faire des concessions sérieuses aux manifestants-séparatistes et les « chefs » des milices disposés de les accepter. La rhétorique des discours de Bolotov change alors considérablement : dans la seconde moitié d’avril, il ne parle plus de l’indépendance de la région de Louhansk, mais seulement de son autonomie au sein de l’Ukraine. Les élites locales semblent avoir réussi à défendre leurs intérêts. Il semble que le conflit est sur le point d’être résolu de manière pacifique…
Mais un tel scénario n’est clairement pas satisfaisant pour le « troisième homme », le metteur en scène principal du conflit, le gouvernement russe. Afin de faire échouer les négociations, des « volontaires » armés et un grand nombre d’armes sont transportés à travers la frontière russo-ukrainienne à la fin avril. Les cosaques du Kouban avec en tête leur ataman Nikolaï Kozitsin s’emparent de plusieurs villes dans le sud de la région de Louhansk, et les armes importées se répandent presque sans contrôle. N’importe quelle personne en mesure de prouver la fermeté de sa position pro-russe peut recevoir une arme automatique. Des groupes armés locaux apparaissent, agissant indépendamment et ne reconnaissant pas l’autorité du « gouverneur populaire ». L’organisateur des troubles Alexandre Efremov ainsi que les réalisateurs de son projet, Valery Bolotov et d’autres « chefs » séparatistes, perdent rapidement le contrôle de la situation. À la fin avril, une vague de prises de contrôle des bâtiments administratifs traverse la région. Le premier sang est versé. Les milices armées enivrées par l’impunité commencent à sévir contre les adversaires et contre des personnes fortuites qui ne reconnaissent pas leur « autorité ». Au début
mai, les prises d’assaut armées des unités militaires et des gardes frontières de la région de Louhansk se multiplièrent. Les militaires et les gardes frontaliers n’avaient ni d’ordres clairs, ni de soutien, et étaient obligés de prendre des décisions tactiques à leurs risques et périls. L’une après l’autre les unités militaires quittèrent le sud-est de la région de Louhansk. Les milices armées ne rencontrant aucune tentative de résistance avancèrent progressivement vers le nord et le nord-est de la région de Louhansk. Au mois de mai, le groupe armé d’Alexey Mozgovoï plaça sous son contrôle les villes de Severodonetsk, Rubizhne et Lissitchansk.
Le 11 mai eu lieu le soi-disant « référendum sur l’indépendance ». Cet événement n’a rien à voir avec de la démocratie directe. Ce « référendum », organisé sous la menace des armes, en moins d’une semaine, sans listes électorales, avec des « bulletins » imprimés à l’aide d’une photocopieuse était, comme les « élections » simulées plus tard au mois d’octobre, simplement une mise en scène destinée à donner une certaine légitimité à l’entreprise risquée qu’était la prise de possession des territoires ukrainiens.
L’opération anti-terroriste dans la région de Louhansk ne commencera pas avant juin. Un mois a ainsi été offert aux milices pour bien s’armer et bien se préparer à la confrontation avec les forces de l’ordre ukrainiennes. En mai, les milices attaquent les postes frontières de la région les uns après les autres, et le gouvernement perd le contrôle sur quelques centaines de kilomètres de la frontière avec la Fédération de Russie. Grâce à ce « trou », des mercenaires et des armes lourdes (artillerie, chars, véhicules blindés, lance-roquettes multiples, systèmes de missiles « Strela » et « Buk ») sont transférés activement dans les régions de Donetsk et de Louhansk.
Un arbitraire criminel et la terreur politique règnent désormais sur les territoires occupés des régions de Louhansk et de Donetsk. Très rapidement les lois cessent de s’appliquer, les normes morales deviennent aussi floues. Les groupes armés pillent et volent les habitants. Des militants et des journalistes pro-ukrainiens qui présentent la situation sous un angle désavantageux pour les milices sont persécutés. Beaucoup d’entre eux subissent la captivité et des tortures brutales. Hélas, tous n’ont pas réussi à survivre. Selon différentes sources, une centaine de personnes périssent dans les mains des milices sur les territoires occupés bien avant le début de l’opération anti-terroriste. Plus de cent mille personnes sont forcés de quitter le Donbass en mai.
Vers la mi-juin, après le début de la phase active de l’opération anti-terroriste, le flux de réfugiés et de personnes déplacées augmente de façon significative. Les gens quittent massivement les villes soumises à des tirs d’artillerie. Près de la moitié des cinq cent mille habitants de Louhansk abandonnent la ville vers la mi-juillet. A la fin de l’été, le gouvernement ukrainien annonce le chiffre de 500 000 déplacées internes, pendant que, selon les associations, le nombre des déplacés est au moins deux fois supérieur au chiffre officiel.
Cependant, il n’existe pas de valeurs précises de ces indicateurs. Les milices font tout pour que l’information qui leur est désavantageuse ne s’étende pas au-delà des territoires occupés, et le gouvernement ukrainien ne fait pas correctement le comptage du nombre de déplacés internes, ni de victimes du conflit. Les données sur les pertes des militaires ukrainiens sont délibérément sous-estimées.
L’État arrive à peine à satisfaire le quart des besoins des réfugiés et des victimes du conflit, ainsi que de l’armée ukrainienne. Ce fardeau doit être porté par la société civile. Des centaines d’initiatives civiles apparaissent dans les différentes régions de l’Ukraine, elles logent les réfugiés et leur fournissent tout le nécessaire, soignent et réhabilitent les victimes, mènent des négociations pour trouver et libérer des otages, nourrissent et habillent des soldats ukrainiens et leur fournissent des munitions nécessaires. Des fonds collectés et distribués par la population sont tout à fait comparables avec les budgets des institutions publiques compétentes.
À la fin d’août, quand l’armée ukrainienne s’apprête à évincer les milices des territoires occupés et terminer l’opération anti-terroriste, des unités régulières de l’armée russe envahissent ouvertement le sud de la région de Donetsk et le sud-ouest de la région de Louhansk. Les centres régionaux du Donbass sont débloqués, des unités de l’armée ukrainienne sont encerclées et vaincues sur Savur-Mohyla et à Illovaïsk. Des forces de l’opération anti-terroriste aux abords de Louhansk échappent de peu à l’encerclement. Les tirs de roquettes en provenance du territoire de la Fédération de Russie ravagent des unités de l’armée ukrainienne près de Zelenopolié, plus de la moitié de l’équipement effectif est détruit dans les campements de l’armée ukrainienne dans les villages de Pobeda et de Dmitrovka à quelques dizaines de kilomètres de la ligne de front. La menace de siège et d’assaut plane au-dessus de Marioupol.
Il devient clair que les forces de l’opération anti-terroriste, qui ont résisté avec succès aux milices, ne peuvent pas affronter l’armée régulière de la Fédération de Russie. Le gouvernement ukrainien accepte de signer le « protocole de Minsk » et déclare une trêve. La trêve, toutefois, ne dure que quelques heures. Le soir même après la signature du document, un groupe de 50 parachutistes et bénévoles ukrainiens tombe dans une embuscade et est détruit par des milices aux abords de Louhansk. Moins de 24h plus tard, des positions des militaires ukrainiens à la périphérie de Marioupol sont exposées à de puissants tirs d’artillerie. Seules les offensives de grande envergure ne sont pas menées. Les bombardements et les attaques de petits groupes des milices armés ne s’arrêtent pas un seul jour. Selon les chiffres officiels (qui sont traditionnellement sous-estimés) plus d’une centaine de militaires ukrainiens meurent des mains des milices durant la
trêve de trois mois. Au cours de ces mois, des centaines de véhicules blindés et des pièces d’artillerie sont transférés depuis le territoire russe dans les zones des régions de Louhansk et de Donetsk contrôlées par les milices. Quotidiennement des agglomérations contrôlées par l’armée ukrainienne situées tout le long de la ligne de confrontation sont bombardées par près de mille mines, obus et roquettes qui blessent et tuent des civils et des soldats ukrainiens. Les milices ne manquent pas de munitions.
Les maisons des particuliers sont détruites au cours des bombardements : selon les données préliminaires environ 4000 maisons ont été totalement ou partiellement détruites au début de décembre dans la zone de conflit. L’artillerie mutile et tue des civils. D’après l’ONU, le nombre de victimes civiles du conflit approche déjà cinq mille personnes.
L’arbitraire perdure sur les territoires occupés. Pendant huit mois de conflit, plus de dix mille personnes sont passées par la captivité des milices. La plupart d’entre eux sont des gens arrêtés au hasard pour des soi-disant « infractions mineures » et qui sont passées dans des caves et engagées dans la construction des fortifications durant plusieurs heures voire plusieurs jours. Mais beaucoup de personnes enlevées et accusées d’avoir des idées pro-ukrainiennes et de mener des actions contre les séparatistes, passent des mois en captivité. Au milieu de l’été, les otages deviennent l’objet d’échange et une affaire rentable. Pour les libérer, les milices exigent des familles une rançon de 50 000 dollars et plus. La liberté des fonctionnaires et des hommes d’affaires coûte deux fois (parfois des dizaines de fois) plus cher.
Les milices pratiquent également des exécutions extrajudiciaires. La plupart des meurtres ne sont pas publics, mais dans certains cas, des milices organisent des « tribunaux populaires » en cherchant l’approbation de la population locale pour punir l’accusé.
Exprimer un désaccord avec des milices armées est dangereux. Les médias indépendants cessent leur travail sur les territoires occupés, les locaux des rédactions sont détruits ou réquisitionnés par les milices, les journalistes se sont déplacés dans les zones qui sont sous la juridiction de l’Ukraine. Les protestations des habitants sont réprimées avec des tirs, comme c’est arrivé, par exemple, dans Bryanka où les gens indignés ont manifesté contre le chômage et le manque d’argent.
Beaucoup d’entrepreneurs se voient confisquer leurs entreprises, des voitures ou autre. Les milices saisissent les logements des activistes pro-ukrainiens ou tout simplement des habitants locaux qui ont fui la zone de conflit. La propriété des organisations non gouvernementales et des communautés religieuses est confisquée. La plupart des confessions que les milices considèrent comme « non conventionnelles », sont forcées de quitter les territoires occupés, leurs biens sont « nationalisés » et leurs lieux de culte sont profanés. Déjà en mai, les milices commencent à couper en morceaux de ferraille les équipements des entreprises d’État et privées arrêtées ainsi que des conduites principales d’eau. Une grande quantité de ferraille est emportée dans une direction inconnue. Plus tard, à l’automne, on commence à démanteler et transférer, prétendument vers la Russie, l’équipement industriel. Les milices s’approprient aussi le droit de disposer du sous-sol : la ressource principale du Donbass, le charbon, continue à être produit et vendu. Une partie est exportée vers la Fédération de Russie malgré l’impossibilité d’enregistrer légalement les exportations, une autre est vendue par les milices aux entreprises ukrainiennes.
Au moment de la signature de la « trêve » plus de cinquante groupes de milices armés, qui n’obéissent pas au chef de la République Populaire de Louhansk Igor Plotnitskiy, agissent rien qu’à Louhansk. Les milices de Stakhanov et des cosaques de Kozitsin qui contrôlent Antratsyt ne reconnaissent pas non plus l’autorité de Plotnitskiy et proclament leur « république ». Efremov et d’autres anciens « seigneurs féodaux » de Louhansk ont largement perdu le contrôle de la région. Des affairistes qui ont servi auparavant les intérêts des oligarques locaux sortent de l’ombre et obtiennent désormais la majorité des ressources des oligarques. Ce sont ces gens qui deviennent les membres du gouvernement de la soi-disant République Populaire de Louhansk. Personne ne les connait, et il semble que le seul article de leur programme politique est de profiter au maximum de cette situation. Le pouvoir de Plotnitsky à Louhansk et de Zakhartchenko à Donetsk ne repose que sur la présence militaire russe. Les forces de sécurité russes essaient de garder la situation sous contrôle et pour cela détruisent un par un les groupes de milices les plus radicaux et indépendants, cependant, ils ne peuvent pas maîtriser pleinement la situation jusqu’ici.
Les « républiques » sont un simulacre inventé par des spécialistes en communication politique russes. Les gens qui sont « à leurs têtes » sont inconnues de tous. Ces entités n’ont pas de programme économique, tandis que leurs « chefs » n’ont pas de convictions politiques. Le monde est invité à croire tout simplement en la réalité de cet hologramme, et l’Ukraine se voit imposée un dialogue avec les « gouvernements » des républiques autoproclamées. Mener ce genre de négociations est aussi absurde que de parler avec une marionnette. Le sort du conflit est déterminé par le Kremlin. Le conflit peut être résolu très rapidement, mais la principale condition pour cela est la sortie des troupes russes de la région et la cession des livraisons d’armes, d’équipement et des munitions aux milices. Malgré les blessures infligées au Donbass, la réconciliation n’est pas seulement possible mais même souhaitable par les deux parties prises de l’affrontement. La seule question est de savoir si Moscou est intéressée à un arrêt du conflit.
Traduction de Kristina B., relecture par Maxime D.