
Nous vous proposons la traduction des extraits d’article de Marius Laürinavicius. pour delfi.lt.
La déclaration publique de Dalia Grybauskaité, Présidente de la Lituanie, où elle accuse la Russie d’être un État terroriste et explique les indices permettant de dire que la Russie en est un, a fait sensation.
Il est pourtant difficile de dire si cette déclaration a obligé la Communauté Internationale de revoir son appréciation de la Russie en tant qu’État. Toutefois pour nous cette déclaration-signal de danger sert d’opportunité pour reparler de ce qui n’est pas souvent dit au sujet de la Russie ni en Lituanie, ni à l’Occident.
Déjà aujourd’hui, la Russie peut être reconnue l’État qui soutient le terrorisme, et cette déclaration est tout à fait fondée. N’oublions pas non plus les liaisons dangereuses de cet État avec le terrorisme international, ainsi que le rôle historique du KGB de l’URSS, qui est aujourd’hui la base du régime poutinien, dans la création de la toile du terrorisme international.
Évaluation juridique de l’invasion de l’Ukraine.
La déclaration de Madame Grybauskaité venait suite à l’invasion russe de l’Ukraine.
Le but de cet article est de rappeler d’autres liaisons russes (bien plus dangeureuses) avec le terrorisme inernational.
Commençons quand même par le cas de l’Ukraine.
Le seul fait d’envahir l’Ukraine compte : juridiquement, la Russie peut être déjà reconnu comme sponsor du terrorisme et risque les sanctions liées avec ce délit. Au mois d’avril, dans l’article Putin‘s Russia as a State Sponsor of Terroris, Aleksandr J. Motyl a fourni ses explications à ce sujet. Je rappellerai qu’ A.Motyl tenait compte des caractéristiques juridiques du terrorisme proposées par les USA et l’UE et des annonces officielles faites par les représentants de l’OTAN et de l’UE, au sujet de ce qui se passait en Ukraine.
Le crash du Boeing de Malaysia Airlines au dessus du Donbass n’avait encore pas eu lieu. Les services des renseignements américains n’ont pas encore déclaré que c’était la faute des « séparatistes ». Le Président Obama n’a pas encore déclaré que l’avion avait été abattu depuis le territoire contrôlé par les « séparatistes » et que la Russie leurs fournissait les armes modernes. L’enquête des investigateurs indépendants du groupe appelé Bellingcat révélait aussi que le complexe de lance-missiles qui a servi à abattre l’avion avait été mise à disposition des séparatistes par la Russie.
Aujourd’hui, nous avons la déclaration officielle d’ Amnesty International que « les preuves réunies, la Russie aggrave le conflit, tant par l’intrusion directe, que par son soutien aux séparatistes dans l’Est de l’Ukraine ». Plus de 10 000 signatures ont été collectées aux USA, dans le cadre de la pétition exigeant que d’après les preuves existantes la Russie soit reconnue comme pays-sponsor du terrorisme, avec toutes les conséquences qui en découlent.
Tout cela n’a toujours pas éveillé la réaction adéquate ni dans les médias, ni au sein des organisations internationales officielles. Tout le monde se demande si la Russie va s’en tirer encore une fois. Et comme si c’était exprès, les yeux du monde entier sont rivés sur les USA et le rapport du Sénat sur les prisons et la torture.
Au sujet du Boeing malaisien, les rapports officiels qui sauraient prouver la responsabilité de la Russie dans cet acte du terrorisme seraient suffisants pour désigner cet état en tant que sponsor du terrorisme international. Le fait que les Occidentaux refusent jusqu’à présent de reconnaître les « républiques populaires » du Donbass comme organisations terroristes n’est qu’une décision purement politique dont le but est de protéger la Russie. Parce que ce fait serait le premier pas vers l’accusation de la Russie d’être le sponsor de ces terroristes. C’est précisément cette explication qui a été donné par l’expert en événements en Russie et Ukraine, Eugène Vorobyov à l’agence de presse UNIAN.
Actes de terrorisme à l’étranger.
Juridiquement, la Russie a rejoint le rang des pays-sponsors du terrorisme bien avant l’intrusion des ses troupes en Ukraine.
Pourtant, même avant, pour des raisons politiques, l’Occident fermait les yeux sur ce pour quoi n’importe quel autre pays soit déjà sanctionné.
Je voudrais évoquer deux actes terroristes qui ont eu lieu à l’étranger, et où la responsabilité de la Russie de Poutine a été reconnu et prouvé (totalement ou en grande partie). Il s’agit du meurtre de l’ancien vice-président de la Tchétchénie, Zelimkhan Iandarbiev qui a eu lieu à Qatar en 2004 et le meurtre de l’ancien colonel du FSB russe ayant fuit en Grande-Bretagne, Alexandre Litvinenko en 2006 (empoisonné par le polonium-210).
Multiples sont les définitions du mot « terrorisme » dans l’encyclopédie Wikipédia. Nous citerons celle de l’American Heritage Dictionary qui définit le terrorisme comme « L’utilisation ou menace d’utilisation illégale de la force ou de la violence par une personne ou un groupe organisé contre des personnes ou des biens avec l’intention d’intimider ou de forcer des sociétés ou des gouvernements, souvent pour des raisons idéologiques ou politiques. »
Alors qu’unÉtat terroriste est une entité politique territorialement distinct qui utilise la force et à la violence contre d’autres États ou leurs citoyens avec l’intention d’intimider ou de contraindre à accepter sans réserve son idéologie, et de réaliser ainsi une position dominante dans le monde ou de séjour permanent au pouvoir dans leur propre pays.
Les deux meurtres, celui de Z..Iandarbiev et celui d’ A. Litvinenko sont concernés par ces deux définitions.
Le tribunal qatari a reconnus coupables A.Yablotchkov et V. Pougatchev (agents du GRU) dans l’affaire du meurtre de Z.Iandarbiyev, de l’attentat à la vie de son fils de 12 ans et de la contrebande d’armes.Les preuves étaient irréfutables et le Procureur qatari demandait la peine capitale. Or, à cause d’accords secrets entre Moscou et Qatar, ces deux agents qui, d’après le juge, exécutaient l’ordre des pouvoirs russes, ont été condamnés à la peine de prison à vie.Ensuite, la Russie a demandé leurs extradition et ils ont été accueillis en héros et jamais emprisonnés.
Idem pour le meurtre de Litvinenko : la justice britannique disposait des preuves irréfutables de son meurtre par empoisonnement à l’aide du polonium-210 en novembre 2006, par deux anciens agents du KGB, A. Lougov et D. Kovtoun, ainsi que les informations que ce meurtre a été commandité par les pouvoirs russes. L’avocat de la veuve d’A. Litvinenko a même accusé publiquement les pouvoirs britanniques du complot avec les pouvoirs russes dans le but d’échange des informations, dans le but de les tenir secrètes et pour préserver les intérêts commerciaux.
En juin 2006, la Russie a rendu légal le « meurtre des extrémistes par les militaires et les services spéciaux russes en dehors du territoire russe ». Si l’on tient compte du point que ce sont les pouvoirs russes qui déterminent qui est considéré comme extrémiste, cette loi est aussi considéré comme une loi terroriste. La Russie rend le terrorisme légal.
L’avertissement d’un ancien espion.
Le 24 août 2006, Ion Mihai Pacepa a publié son article « Les traces russes » (Russian Footprints) où il émet un avertissement . Cet article semble être dû au fait que la Russie livre les armes aux terroristes, notamment que les membres du Hezbollah (unanimement reconnu organisation terroriste) utilisaient les armes russes en Israël. Le Kremlin a certainement eu recours aux mêmes thèses qu’au sujet d’armes des terroristes dans le Donbass : on peut acheter les armes au marché et en magasin. Pourtant une partie d’armes abandonnée par le Hezbollah sur le champs de bataille portait des preuves irréfutables: l’étiquette « Destinataire : Ministère de la Défense de Syrie » , « Expéditeur : KBP de Toula, Russie ». Le fait que la Syrie sert d’intermédiaire ne suscite pas de doutes. Dans son article, Ion Pacepa a toutefois décidé de révéler ce qu’il connaissait personnellement étant membre du service de renseignements roumain à l’étranger.
Lire l’article : http://www.nationalreview.com/articles/218533/russian-footprints/ion-mihai-pacepa
Pacepa cite le fondateur du service des renseignements roumain, A. Sakharovskiy devenu plus tard le Chef du service des renseignements de l’URSS : « Dans le monde moderne, où l’ arme nucléaire rend l’utilisation des forces armées obsolète, c’est le terrorisme qui doit devenir notre arme principale ». Pacepa a raconté que le terrorisme islamiste contemporain avait été crée par le KGB. Son expérience, ses connaissances, les noms codés des opérations menées, actes terroristes concrets,-il dévoile tout.
« Détournement d’avion, c’est mon invention », a dit A.Sakharovskiy à Pacepa. Ce même détournement d’avion qui a aidé les terroristes dans l’attentat du 11 septembre 2001. Et le KGB comptait cette méthode dans son arsenal encore en 1986.
En 2013, Ion Pacepa sort son livre »Désinformation », où décrit toutes ces méthodes encore plus en détail. À l’époque où l’Occident n’y pensait même pas, l’article de Ion Pacepa à l’air d’une prophétie.
« Dans les années 50, les criminels nazis du Troisième Reich ont été jugés, les organisations dissoutes, les personnes en question privées de postes-clés au pouvoir. Rien de tel dans l’ex-URSS. Le régime communiste a détruit les centaines de millions de vies, mais personne a été jugé ni condamné.La majorité des institutions existe toujours mais sous un autre nom, et les mêmes gens qu’en temps des communistes, les dirigent.
Poutine, ancien officier du KGB est Président de la Russie, or l’Allemagne n’aurait jamais son statut démocratique si les anciens officiers du Gestapo et du SS étaient au pouvoir ».
Ainsi Ion Pacepa appelle l’Occident à ouvrir les yeux.
Il rappelle que Poutine fut quasiment le premier à proposer de l’aide aux États-Unis suite à l’attentat du 11 septembre, et déjà en mars 2002, Poutine a repris les ventes d’armes au dictateur iranien et a mêlé la Russie à la construction du réacteur nucléaire servant à transformer l’uranium pour les armes nucléaires.
Un an après la mort d’A. Litvinenko, le 23/11/2007, The Wall Street Journal publie l’article Terror’s KGB Roots écrit par l’ancien capitaine de GRU, homme très bien informé sur les services des renseignements russes, vivant à Londres, l’historien Boris Volodarskiy.
Volodarskiy a qualifié le meurtre de Litvinenko d’acte terroriste, soutenu par l’État russe, mais aussi prévenu que la Russie de Poutine (colonel du KGB) retourne à ses racines terroristes. Ensuite Volodarskiy énumère les faits qui lient le KGB au terrorisme international.
Lire l’article en anglais : http://www.wsj.com/news/articles/SB119578738628401849?mod=opinion_main_europe_asia&mg=reno64-wsj
Le 31/08/2007, encore un ex-représentant du KGB, Konstantin Preobrajenskiy avertit à son tour.
Preobrajenskiy est auteur de l’article « Russia and Islam are not Separate: Why Russia backs Al-Qaeda » où il écrit :
» La plus grande différence entre la vision du terrorisme islamiste en Russie et en USA est qu’en USA ce terrorisme est considéré comme menace extérieure et en Russie il est utilisé comme objet et arme d’État pour manipulations tant à l’intérieur du pays qu’en dehors de ses frontières… Bien avant que le terrorisme islamiste soit devenu une menace à l’échelle mondiale, le KGB utilisait le terrorisme au nom de la victoire du communisme dans le monde ».
D’après Preobrajenskiy, Ayman al-Zaouahiri, leader d’Al-Qaïda, serait l’agent du FSB depuis de nombreuses années.
En 1996, il était arrivé à Daghestan (où il avait été capturé) à l’invitation des services secrets russes. Il a, parait-il, passé six mois dans les centres d’entraînement de FSB et après depuis Loubianka, il a été envoyé à Afghanistan, où il a rejoint les rangs d’Oussama ben Laden.
Alexandr Litvinenko lui a aussi confié que dans les années 80 et 90 le FSB avait formé non seulement Ayman al-Zaouahiri mais aussi le bras droit de ben Laden en Afghanistan, le terroriste ouzbek Djoumbaï Khodjiev. Ce terroriste ouzbek a étudié au Centre de formation des saboteurs au sein du FSB du 1989 au 1991.C’est précisément ce Centre qui formait les terroristes.
Preobrajenskiy termine son récit par cette conclusion :
« Cela donne un tout nouveau sens au fait que Poutine est le premier Président étranger à avoir appelé le Président Bush le jour du 11 septembre 2001. Supposons qu’il fut au courant de ce qui se passait. »
Les services secrets russes ne nient pas le fait qu’ al-Zaouahiri fut capturé à Daghestan.
Ils affirment ne pas avoir pu identifier le terroriste recherché durant 3 ans dans le monde entier.N’ont pas pu ou n’ont rien fait afin de déchiffrer les données de son ordinateur portable et, tout simplement, ont relâché le suspect au bout de 6 mois.
« Allah les a aveuglé » ,-écrivait ensuite Al-Zaouhiri. Allah a du bien aveugler le FSB tout de même : tous les effets ont été restitué aux terroristes, incluant l’argent, les moyens de radiocommunication, l’ordinateur et les documents en langue arabe ( sans les avoir traduit ni lu).Après être libéré Al-Zaouahiri a passé une dizaine de jours à Daghestan avec les islamistes en leur expliquant son programme d’action.
Pour plus d’informations consultez l’article Saga of Dr. Zawahri Sheds Light On the Roots of al Qaeda Terror. : http://cryptome.org/zawahri-wsj.htm
L’article indique que suite à ce voyage d’Al-Zaouahiri, les États-Unis sont devenus son cible au lieu d’Égypte.
Les experts du terrorisme international sont d’accord avec l’idée que la préparation de l’acte terroriste du 11 septembre a débuté après qu’Al-Zaouahiri a rejoint ben Laden.
C’est précisément lui qui est considéré comme le grand instigateur de cette tragédie.
Parole d’expert.
Plusieurs ex-représentants du KGB et FSB se sont mis à « dégrader la réputation de la Russie » en appelant à regarder de plus près les liens du Kremlin avec les terroristes.
Plusieurs de ces personnes ne sont pas considérées comme adeptes de la théorie du complot. Au contraire, ils sont de sérieux experts dans leur domaine, éditent les livres, consultent les services secrets occidentaux. En juillet de cette année, l’expert américain John Schindler a décidé de mettre fin à ce paradoxe d’ abnégation en ce qui concerne les liens russes avec le terrorisme international .
Il choisit bien les mots dans son Exploring Al Qaeda’s Murky Connection To Russian Intelligence en affirmant vouloir soulever une discussion afin d’explorer le problème. Il se concentre sur la mystérieuse capture d’Al-Zaouahiri et vient à la conclusion que
« même si pour plusieurs occidentaux l’idée que les services spéciaux russes ont rentré en contact avec Al-Zaouahiri semble fantaisiste, ce n’est pas impossible d’autant plus que l’idée correspond à ce qu’on sait sur les pratiques employées par les services spéciaux soviétiques et russes. En temps de la Guerre froide, le KGB avait des relations étroites avec plusieurs groupes terroristes, «
Ce qu’à l’Occident on prend pour de la « théorie du complot », en Russie est devenu chose sûre tant dans les esprits des journalistes indépendants que dans ceux des analystes sérieux.
Il s’agit là du terroriste tchétchène Chamil Bassaïev avec les services spéciaux russes (GRU).
Explosions des maisons en Russie.
Les liens de Bassaïev avec la GRU font penser à encore une mystérieuse histoire que l’Occident prend pour de la théorie du complot : les explosions dans les résidences russes en 1999.
John Schindler n’ose pas reconnaître que ces actes comme étant terroristes. Ils ont coûté la vie à plus de 300 personnes et seraient sur la conscience du FSB. Il affirme toutefois l’existence des soupçons du rôle du FSB dans tout ça.
La situation s’est encore aggravée depuis les 10 dernières années, mais ce sujet en Russie reste tabou.
À l’Occident ce sujet n’est plus tabou et de sérieux livres parlent du mystère de ces explosions en Russie et des traces des services spéciaux russes.
Les investigation des experts occidentaux comme David Satter (Darkness at Dawn: The Rise of the Russian Criminal State) ou John B.Dunlop (The Moscow Bombings of September 1999: Examinations of Russian Terrorist Attacks at the Onset of Vladimir Putin’s Rule).sont devenu livres très consultés.
David Satter en a fait son discours devant le Congrès des USA. Encore en 2003, le sénateur John McCain avait fait une déclaration publique disant que le FSB russe y était pour quelque chose en parlant de ces attaques.
Aucune autre discussion sérieuse n’a eu lieu en ce qui concerne le danger que représentent les liens du régime de Poutine avec le terrorisme international.
Ainsi, je voudrais terminer cet article par le rappel de son début, c’est à dire, la déclaration de Madame Grybauskayté qui dit que la Russie est un État terroriste.
Même si Mme la Présidente de la Lituanie a probablement manqué de diplomatie, en évoquant le problème de manière directe, il est sûr qu’il est nécessaire d’en parler, de déléguer une enquête internationale afin de confirmer ou nier cette menace qui fait planer de nombreux doutes.
Aujourd’hui ce problème est d’une importance capitale. Non seulement à cause de l’invasion russe de l’Ukraine qui a provoqué la crise sans précédent dans les relations entre le Kremlin et le monde occidental,
Les soupçons des relations entre Poutine et les acteurs du terrorisme international sont fondés, il suffit d’évaluer la menace que représentent les deux tchétchènes à la tête d’EI.
Mais je me réserve ce sujet pour mon prochain article.
Source : ru.delfi.lt
Traduction de Viktoria Mait.