
« L’État et la société ukrainiens doivent accorder plus d’attention à la réhabilitation psychologique des soldats-participants de l’Opération antiterroriste, »- pense Cristian Jereghi, réalisateur des documentaires et combattant du bataillon de volontaires « Rus’ de Kyiv ». C’est ce qu’il a dit dans son interview accordé à Radio Liberté. Cristian Jereghi est le producteur artistique du documentaire «Zone d’ATO: Le Retour», qui a pour but d’attirer l’attention de la société sur la question du besoin d’aide sociale aux soldats.
Vous et votre équipe, vous collectez des fonds pour le projet «Zone d’ATO: Le Retour». Le but est de créer la publicité sociale pour attirer l’attention du public sur le problème de la réhabilitation socio-psychologique des militaires à leur retour à la vie civile. Comment prévoyez-vous le faire? Comment votre vidéo ou publicité sociale vont attirer l’attention à ce problème?
Après le retour des soldats d’Afghanistan
on dissimulait ce problème
Pendant les deux dernières décennies, l’Ukraine ne prenait pas part aux conflits militaires, je pense, tout le monde le sait. Après 1989, l’année du retour des soldats d’Afghanistan, on dissimulait ce problème. Il n’y avait pas de programmes de réhabilitation qui soient assez bien. Jusqu’à nos jours, et on le sait, après leur avoir beaucoup parlé, lors des événements du Maïdan, -parmi les soldats revenus d’Afghanistan, certains n’ont jamais pu reprendre une vie normale. Quelque chose n’a jamais été complétement guéri, il y a eu quelques collisions et conflits avec la société. Aujourd’hui il est très important, à notre avis, de prendre en considération l’expérience internationale des pays dont les troupes ont pris part aux conflits armés et qui ont assisté les soldats à leur retour à s’adapter à la vie civile.
Pour le réussir, nous avons formé une équipe composée des experts étrangers : des spécialistes américains et européens, en analytique, anthropologie, psychologie etc.; donc on décompose le problème. Nous analysons de quelle façon le message a été passé par les médias aux soldats et aussi à la société. En particulier, nous collaborons avec une initiative lancée par Tatyana Rychkova, adjoint du ministre de la Défense, une de nos volontaires les plus célèbres et l’une des leaders des premiers mouvements de volontaires en Ukraine depuis la révolution du Maïdan.
Selon vos observations, quels pays ont réussi à relever ce défi? En général, est-ce que ce problème peut être résolu avec succès?
Le souci est que, par exemple, aujourd’hui il n’y a aucune institution en Ukraine qui comprenne clairement le fait qu’une grande partie de personnel militaire se retrouve avec le trouble de stress post-traumatique ou TSPT (ce que l’on appelle souvent le «syndrome afghan»). Les statistiques et l’analytique dans ce domaine sont très fragmentés.
Il n’existe pas de programme unique du gouvernement. Si l’on se réfère à l’expérience des pays qui ont déjà affronté ce problème, on peut constater, par exemple, qu’aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France les initiatives publiques et privées ont toujours été accompagnées par les campagnes publicitaires qui soulignaient les conséquences.
Le TSPT est l’une des composantes du problème. Il y a encore des civils
qui sont en quelque sorte pris au piège dans une zone de guerre
Ce n’est pas uniquement le problème de ceux qui combattent. Le trouble du stress post-traumatique n’est qu’une des composantes du problème en général. Par exemple, à part les soldats qui combattent, il y a des civils qui sont en quelque sorte pris au piège dans une zone de guerre. Au fil du temps, l’intégration dans la société de tous ces gens n’est pas aussi simple qu’il y paraît.
Ce problème se fractionne en plusieurs composantes. Ce problème est complexe, et je crois, nous n’y sommes pas prêts. Nous sommes entrés en guerre mal préparés. Maintenant, pendant la guerre à l’est de l’Ukraine, nous faisons le maximum pour atténuer ces effets qui surviennent après un conflit militaire.
Qui est la cible de cette campagne vidéo? Tous les citoyens ou seulement ceux qui prennent les décisions au niveau de l’État? Évidemment, il faut mettre en place un programme gouvernemental ou une intervention directe du gouvernement sur cette question.
Idéalement, il n’y a aucun doute qu’on doit avoir un programme gouvernemental unique, des centres de réhabilitation pour le soutien psychologique des soldats et de leurs familles ainsi que des programmes de soutien là-bas, dans les zones de combat. Plus précisément, il est nécessaire d’avoir des instructions directes pour les chefs militaires, pour expliquer la démarche aux soldats. Les unités de combat doivent avoir des psychologues au sein de leurs effectifs. Là également, nous devons emprunter le modèle qui existe et qui a été utilisé avec succès dans le monde.
À l’étranger, après la bataille on fait le « débriefing », quand soit le chef militaire soit le psychologue examine la situation. Les soldats s’expriment et se libèrent
En Union Soviétique personne n’y faisait attention. Traitement d’un soldat comme d’une matière consommable est à l’origine du système qu’on est en train de changer pas à pas. A l’étranger, par exemple, après la bataille ils font un « débriefing », quand soit le chef militaire, soit le psychologue affecté à l’unité examine la situation. Les soldats qui y ont participé s’expriment pour se libérer, afin que les événements ne restent pas gravés dans le subconscient, comme une image horrible, puisque sur les lieux de combats on voit des images terribles, les personne à qui on venait de parler il y a deux minutes, qui étaient nos meilleurs amis, se font tuer à nos yeux, ou, souvent, après les bombardements, souffrent de terribles blessures. Les mesures préventives directes font également partie de l’approche globale.
Les soldats sont réticents, ils disent : « Pourquoi dois-je le faire? » Ils se mettent en colère quand quelqu’un le leur propose, en disant: « Je ne suis pas aliéné »
La réponse à votre question, pour résumer, de telles campagnes médiatiques (on ne parle pas du journalisme, parce que peu de gens après leur retour de la guerre ont le désir de lire les actualités et regarder la télévision), il est important de persuader les combattants que demander de l’aide, ce n’est pas un tort, parce que c’est un tabou dans cette société. On va chez le médecin quand on est blessé, n’est-ce pas? Mais, par exemple, après une situation de stress, si vous avez une sorte de blocage dans votre tête qui ne vous permet pas de communiquer avec les gens – ce sujet est tabou. Les soldats ne veulent pas le faire: « Pourquoi dois-je le faire? » Au contraire, ils se mettent en colère, lorsque quelqu’un le leur propose: « Pourquoi dois-je aller chez un psychologue ou un psychiatre? Je ne suis pas aliéné! ” C’est un tabou, un tabou social.
Les soldats en règle générale, ou, prenons par exemple les soldats du bataillon «Rus’ de Kiev», obtiennent-ils l’aide psychologique? Est-ce que les psychologues volontaires viennent directement au front pour parler aux soldats?
Bien sûr, ils y viennent. Mais, encore une fois, ce n’est pas un programme pour tous, ce n’est qu’une initiative des volontaires. Par exemple, le chef du bataillon «Rus’ de Kiev», capitaine Andrey Yanchenko est l’un des rares qui traite cette question avec beaucoup d’attention et comprend vraiment le problème. Et même malgré cela sans le soutien de l’État, les chefs des bataillons ont peu de moyens. Quand les combats ont commencé, ils n’y avaient plus de temps.
La majorité des soldats, après avoir bénéficié de cette aide, se sent
mieux que ceux qui n’en bénéficient pas. On peut le lire dans leur regard
Si vous voulez, voilà un exemple du bataillon : à « Rus’ de Kiev » il y a les psychologues volontaires qui assurent un soutien moral et psychologique aux soldats. Il faut dire que suite aux séances avec les gars qui ont survécu à l’encerclement de Debaltseve, je vois que la plupart d’entre eux, par exemple, se sentent mieux, grâce à cette aide que ceux qui n’en ont pas bénéficié. On peut le voir dans leurs yeux. Ils ne se sont pas renfermés, ils continuent à communiquer, ils ne noient pas leur chagrin dans l’alcool et, en général, sont plus adaptés. Ils ne passent pas par l’étape de la démoralisation et maintenant ils sont prêts à revenir au front. Et c’est grâce à ces quelques mesures préventives prises par le commandant du bataillon et par les psychologues qui étaient à ce moment-là au front avec les soldats.
Il faut plus de visibilité pour les campagnes de la publicité sociale qui traitent les sujets au cœur de l’actualité. Prenons l’exemple de l’initiative privée « Vétéran Vision Project ». Aux États-Unis, un étudiant, Devin Mitchell, voyage à travers tout le pays et fait les photos des soldats revenus du front. Ce projet met en évidence l’un des problèmes : la tendance suicidaire des anciens combattants. Est-ce qu’une campagne sociale sur ce sujet doit être choquante pour atteindre son but?
Il y a de différentes méthodes d’éveiller la conscience des gens dans la société. Générer une réponse, soulever cette question dans les médias, faire les gens en parler. Oui, c’est une des méthodes, de faire une vidéo choquante. Mais, encore une fois, il faut tenir compte des spécificités de la société, de la mentalité. Pour un américain ordinaire il y a des techniques qui sont plus adaptées, habituelles, qui peuvent mieux faire passer le message du produit social.
Notre société est déjà en état de choc, autant qu’elle puisse l’être
En ce qui concerne la société ukrainienne il est important de prendre en considération que cette année était extrêmement éprouvante: Maïdan, puis défaite en Crimée, difficile à admettre, occupation de la Crimée et après ça, tensions constantes dans la zone d’Opération antiterroriste. Notre société est déjà en état de choc autant qu’il est possible. Maintenant, il est important de transmettre les messages à cette partie de la société qui ne dépense pas toutes ses ressources, tous ses efforts, qui est indifférente envers ce qui se passe dans notre pays. C’est très important.
Il y a un groupe qui propose les séances du soutien psychologique aux militaires, à la cathédrale de Saint Michael à Kyiv. Peut-être cette information sera utile à quelqu’un, l’aide est gratuite. On a demandé au prêtre Serguiy, qui travaille avec ce groupe, de parler des problèmes auxquels les militaires sont confrontés après le retour à la vie civile.
Un soldat rentre à la maison et voit souvent une situation différente.
Le premier sentiment est l’injustice, parce qu’il a combattu et risqué sa vie
et maintenant personne ne s’en soucie, ni le gouvernement, ni les gens autour
Premier adjoint du Département de service social et synodal de L’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kyiv, le prêtre Serguiy dit: « Le soldat rentre à la maison et souvent voit une ambiance différente. Premier sentiment est l’injustice, il luttait et mettait sa vie en danger pour nous, et ici, on n’a pas besoin de lui – ni le gouvernement, ni gens autour de lui. Certains sont fiers d’eux, mais les autres sont peu réceptifs et le soldat prends cela pour du mépris, alors que c’est l’un des signes du stress post-traumatique: ce sentiment d’être inutile. Pour sa famille il est une autre personne et il peut penser qu’on ne l’aime pas comme avant. Il peut devenir agressif, facilement irritable, peut crier dans son sommeil, abuser d’alcool. Souvent, les soldats ne le remarquent pas eux-mêmes. Ils voient que quelque chose de mal se passe autour, mais ils ne voient pas leurs propres défauts ».
Alors aujourd’hui, le gouvernement avance dans la bonne direction, concernant cette question? Ou l’action se limite toujours aux initiatives privées?
Dans notre pays, et dans les autres pays, les initiatives privées contribuent à étendre la sensibilisation au sein de la sphère culturelle. Je voudrais, bien sûr, éveiller de l’intérêt chez les responsables gouvernementaux. Je voudrais voir un programme structuré de l’État qui comprendrait des mesures préventives et le travail réel, avec des conséquences.
Plus de 100 000 personnes ont participé à l’Opération antiterroriste
Comme pour le commentaire précédent, c’est complétement vrai que ce problème ne se limite pas par des militaires. Dans un proche avenir, nous devrons à nouveau faire face au problème. Plus les combats durent, plus ce problème sera important. Puisque plus de cent mille personnes ont participé à l’Opération antiterroriste. En outre, environ un tiers de la population est lié ou étroitement lié à eux.
Lorsqu’un militaire revient à la vie civile et voit des hommes
qui ne vont pas combattre à la guerre, il vit toujours un conflit psychologique:
« Pourquoi dois-je me battre pour eux? »- se dit-il.
Lorsqu’un militaire revient à la vie civile et voit les hommes qui ne vont pas à la guerre, il ressent toujours un conflit psychologique: « Pourquoi dois-je lutter pour eux? ». Et ceux qui ne vont pas combattre à la guerre se trouvent toujours des excuses. Tout se passe au niveau des interactions humaines ordinaires: chauffeur de taxi, agent de sécurité dans une boîte de nuit etc. Ce sera une question sensible pour un long période, et qui provoquera toujours les confrontations.
Les soldats attendent-ils la reconnaissance de leur héroïsme par les gens, ou attendent-ils le soutien socio-économique de l’État? Et, en ce qui concerne les gens, quelle doit être cette reconnaissance?
Il y a un noyau actif qui accueille les garçons à la descente du train
et qui les accompagne. Mais après, la personne fait face
aux problèmes au quotidien et voit une énorme incompréhension
D’habitude les gens n’attendent pas de gratitude quelconque du gouvernement, même lorsqu’il s’agit d’une certaine compensation pour les blessures de guerre, par exemple. La majorité des anciens combattants la voient comme une surprise inattendue de la part de l’État. Tout comme les récompenses ou la reconnaissance du statut du combattant. La question réside dans la reconnaissance venue des gens ordinaires, c’est cela qu’ils ne voient pas souvent. Vraiment, il y a un noyau actif qui accueille les garçons à la descente du train et qui les raccompagne. Mais après, quand la personne revient chez soi, elle fait face aux problèmes de quotidien et voit une énorme incompréhension de ce qu’elle avait vécu. Cela conduit à de graves conflits.
Un collègue a décrit une situation dans le métro où un ancien combattant est entré dans le wagon et les gens étaient silencieux. Peut-être quelqu’un souhaitait dire quelque chose, mais ils ne savaient pas si c’était approprié ou non. Les gens doivent-ils exprimer publiquement leur gratitude ou c’est à la famille, aux amis et à ceux qui sont en contact direct avec les anciens combattants de le faire ?
On roule dans un véhicule militaire, et les gens dans la rue
nous expriment leur soutien. Cela aide vraiment
Bien sûr dans le cercle familial, l’homme revenu du front parlera beaucoup de la guerre. Il lui est beaucoup plus facile de parler avec ses frères d’armes, ceux qui étaient avec, que de discuter des certaines questions avec les civils. Cependant, les gestes amicaux occasionnels, lorsqu’ il conduit la voiture, le geste de la main; klaxon de l’auto… On le sent vraiment, par exemples, dans les régions de Zaporijjia, Dnipropetrovsk, quand on roule dans un véhicule militaire, les gens dans la rue expriment leur soutien. Cela aide vraiment à garder le moral. Malheureusement, en réalité quand on prend le métro, les gens détournent le regard parce qu’ils ne savent pas quoi dire, ou ils ont une certaine réticence, une sorte de gêne devant l’homme en uniforme.
La perte de la confiance en soi, la marginalisation, l’alcoolisme, le suicide, le développement de la maladie clinique, ce sont toutes les conséquences possibles du trouble de stress post-traumatique si l’on ne le traite pas. Voyez-vous actuellement ces problèmes chez vos camarades?
L’homme qui était au front est très sensible à l’injustice
On connaît de tels problèmes depuis Maïdan. Seulement, je ne dirais pas la «marginalisation». L’homme qui était au front a des exigences élevées de la justice. Cependant, face aux conflits du quotidien, ce n’est pas la marginalisation qui se passe, mais plutôt l’adaptation sociale. Après tout, au front on résout les problèmes par la force. Cela peut entraîner des incidents, comme celui où les militaires revenus du front ont couru après un groupe de personnes agressives et leurs ont lancé une grenade. Ce n’est pas une marginalisation mais un décalage du niveau de danger et de la perception, ce qui augmente la distance entre les militaires et la société, où ils sont revenus
Est-ce que les soldats bénéficient d’un training psychologique quelconque avant leur déploiement au front? Avant de rejoindre le bataillon de volontaires, est-ce que vous avez travaillé avec des psychologues ?
Traditionnellement, on vous prépare à tuer,
mais on ne vous prépare pas à vivre avec cela après
Il est à noter que, par exemple, le bataillon «Rus’ de Kiev» est l’un des premiers bataillons, mais pas le premier. À cette époque on n’avait pas d’expérience. C’était un bataillon de défense territoriale, composé à moitié des participants de la révolution du Maïdan, et ils n’avaient pas bénéficié de training psychologique. Malheureusement, oui, il y avait des processus destructeurs parmi ces mobilisés qui ont aggravé le retour au bataillon après la première rotation, et créé des problèmes avec l’entourage. Traditionnellement, on vous prépare à tuer, mais on ne vous prépare pas à vivre avec cela après. À cette époque, les psychologues ne travaillaient pas avec le bataillon, comme c’est le cas maintenant. Ils mènent un travail préventif, essentiellement avec les unités militaires qui se préparent aux combats les plus acharnés, telles que les troupes aéroportées, c’est-à-dire ceux qui combattront à l’avant-garde.
Je voudrais néanmoins préciser : vous êtes citoyen de la Russie. En février vous avez demandé au Président ukrainien Petro Porochenko de devenir citoyen ukrainien. Où en est ce processus?
C’est vrai. Actuellement, les dernières formalités relatives à la procédure légale sont presque terminées. J’espère que tout soit bientôt résolu. Parce que, bien sûr, avec mon statut c’est difficile. Tant qu’on n’est pas citoyen, on ne peut pas s’engager officiellement, sauf pour participer aux initiatives privées.
Vous avez réalisés les documentaires sur le Maïdan et également étiez en Crimée au début de son occupation par les russes. Comment se fait-il que vous vous retrouvez dans un bataillon de volontaires à vous battre pour l’Ukraine?
Pour certaines raisons j’avais quitté la Russie.
Et j’ai défini l’Ukraine comme mon nouveau domicile
Très simple. Je donne toujours presque la même réponse à cette question parce qu’il ne peut pas exister d’autre interprétation. Pour certaines raisons j’avais quitté la Russie. Et j’ai défini l’Ukraine, les frontières de l’Ukraine comme mon nouveau domicile. Puis Maïdan a eu lieu et tous ces événements. Je fus témoin de l’occupation de la Crimée par la Russie qui a violé tous les accords à la fois diplomatiques et publics par l’annexion de la Crimée. Je voyais très bien comment cela est arrivé. Puis je parlais avec mes amis de la Russie et je voyais les effets de la propagande russe sur la société. Je pouvais voir cette transformation cette évolution de la conscience.
L’occupation de la Crimée s’est passée relativement sans effusion de sang, à l’exception de quelques cas particuliers. Puis, la Russie a soutenu le séparatisme à l’Est. J’étais dans le Donbass avant la phase active de la confrontation, avant et après que les districts comme Slovyansk, Kramatorsk et d’autres ont été envahies par les forces d’opérations spéciales du côté russe. Je parlais à la population locale dont une partie n’a pas encore rejoint les groupes paramilitaires, mais était, par exemple, aux points de contrôle. Je voyais comment ce processus se déroulait. Je voyais comment se passait la paupérisation et la marginalisation. Simplement pour dire, c’était la politique russe de toujours. La guerre a toujours causé l’excitation chez ceux qui avaient le niveau de vie le plus bas. Et le gouvernement russe cautionnait et soufflait sur la braise.
Quand les premiers signes de la participation des forces paramilitaires russes dans le conflit du Donbass ont apparu, pour moi c’était une démarche naturelle que de rejoindre le bataillon. En outre, sous le commandement de celui avec qui on a fait toute la période de la révolution du Maïdan.
Voyez-vous déjà la fin de cette guerre?
C’est une question difficile, l’heure et la date où l’opération antiterroriste peut se terminer officiellement dans le Donbass, il est difficile de le définir, parce que nous ne sommes pas des prophètes. Il est peu probable que même le meilleur analyste puisse l’indiquer exactement.
Maintenant, notre tâche est de nous préparer aux conséquences,
pour éviter les processus destructeurs
Maintenant, notre tâche est de nous préparer aux conséquences. On travaille maintenant pour assouplir les conséquences. Pour qu’à part la crise économique on n’arrive pas encore à une crise totale de la société et des processus négatifs qui mèneront à la déstabilisation complète de la situation jusqu’à entacher la réputation de l’Ukraine auprès de la communauté européenne et des partenaires étrangers. Afin d’attirer des investissements en Ukraine, pour que les héros de nos jours ne deviennent pas un milieu criminel comme cela s’est passé dans les années 90 où les participants de conflits militaires dont un grand nombre n’a pas trouvé sa place dans la société, se sont tournés vers la criminalité.
Je dois ajouter que dans un avenir proche, à la fin du mois, la conférence de l’OTAN aura lieu à Kyiv. Il s’agira des questions du trouble de stress post-traumatique chez les militaires. Les pays-membres de l’OTAN connaissent ce problème. Et je souhaite que nous coopérions.
Tout récemment, on a rencontré les attachés militaires des pays qui y ont des missions diplomatiques. On a discuté des problèmes, et on continue le travail. Parce que l’Europe, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France sont intéressés, pas seulement en ce qui concerne le domaine politique, économique, de patronage, d’environnement artistique, des initiatives publiques, à ce que la situation en Ukraine se stabilise, pour qu’à le fin du conflit militaire l’Ukraine reste partenaire de l’Europe, plein de perspectives.
Interview réalisé par Olena Removska
Photos des archives personnelles de Cristian Jereghi
Traduction d’Anastasia Chepova, révision de Viktoria Mait.
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