
Emmanuel Graff, réalisateur des films documentaires, Français, originaire de Moselle et qui vit actuellement en Suisse, a accepté de répondre à quelques questions que je lui ai posées, au sujet de son film “Sacha H. des Ailes au Maïdan” dont le montage a eu lieu dans des studios à Metz et dont la prochaine projection aura lieu à Algrange en Moselle.
Voici le bref résumé du film, écrit par l’équipe de tournage :
“Ce film documentaire retrace la vie de Sacha Hrapachenko, originaire de la ville de Rivné en Ukraine, Il faisait des études, du théâtre, de l’alpinisme, il aimait Katy, ils devaient se marier. Rien ne lui prédisait un destin de héros national.
Un jour, il décide d’aller « aider les autres » à Kiev, en cachette de sa famille et de ses proches, pendant cette révolution ukrainienne qui eut lieu de novembre 2013 à février 2014 et qui fit fuir l’ancien président du pays.
Le 20 février, il est tué par un sniper. Il avait 26 ans. Ce fameux jour, les forces de l’ordre et l’armée, aidées de tireurs non-identifiés, tueront sur la place Maïdan et aux alentours, plusieurs dizaines de personnes. Des Ukrainiens mais aussi des sympathisants d’autres pays. A ce jour, son tueur n’a toujours pas été identifié…”
On vous connaît en tant que réalisateur d’autres films documentaires qui parlent de votre Lorraine natale. Pourquoi un film sur l’Ukraine cette fois-ci ?
Au moment où je finissais « La Trace des Pères », mon dernier « film lorrain », j’étais en contact avec les Polonais et les Ukrainiens de la vallée de la Fensch (qui sont en partie dans ce film), et j’avais rencontré des Slovènes vers le nord de la région et des Russes en Alsace. Je voulais donc commencer un film sur ces associations des pays de l’Est dans l’Est de la France. Et l’actualité, ainsi que ma vie privée, m’ont fait préciser ce film qui n’a jamais été fait. Ainsi j’ai fait le film « Carnets Ukrainiens », qui se passe en Lorraine, en Suisse et en Ukraine, et qui a donc été un film de transition, sur 3 pays et sur plusieurs problématiques. Il part de la Lorraine et va jusqu’en Ukraine, en passant par la Suisse, où j’habite. « Sacha H des Ailes au Maïdan », est une forme de suite. On parle du Maïdan dans « Carnets Ukrainiens », mais on ne parle que de ce thème, avec Sacha.
Les événements que vous retracez sont réels et ont eu lieu. C’est l’histoire de la vie d’un jeune homme, Sacha Hrapachenko, protestataire contre le régime criminel de Viktor Ianoukovitch tué par des snipers au cours de la révolution de Maïdan à Kiev, en Ukraine. Qui vous a raconté son histoire ? Comment vous avez connu les personnages du film ?
Dans l’introduction de ce film documentaire, une voix « off » explique ceci :
« Lors d’un voyage à Kiev que j’ai fait en octobre 2014, où j’étais employé par une ONG française comme observateur des élections législatives, pendant une pause, alors que je revenais dans cet endroit pour la première fois depuis janvier, j’ai rencontré une jeune fille dans la rue Institutska qui ramassait les feuilles mortes autour d’un petit mausolée ».
Nos avons engagé la conversation. Elle m’a expliqué qui était mort à cet endroit : Sacha, un ami. Et elle venait nettoyer cet endroit chaque jour. Le lendemain je suis reparti en Suisse, mais le récit qu’elle m’avait fait de ce Sacha, correspondait un peu au « Maïdanien » moyen. Et comme j’étais en révolte intérieure contre une certaine forme de mépris envers la Révolution de la Dignité dans certains milieux d’Europe occidentale, j’avais en moi l’envie d’y répondre.
Ensuite, Natalia s’est occupé de contacter les amis de Sacha, sa famille, et sa fiancée, et tout le monde a été d’accord de coopérer, également après avoir vu mon dernier film lorrain, qui les a rassuré sur mon sérieux.
Et quand je suis arrivé à Kiev, le 26 décembre, pour filmer pendant 10 jours, tout était prêt et organisé. Jusqu’à début janvier, j’ai rencontré 12 personnes et l’entourage direct ou indirect de Sacha. Je suis revenu en Suisse, j’ai d’abord dû finir ”Carnets Ukrainiens”. Et à partir de novembre, nous avons travaillé sur « Sacha H », entre Lausanne et Metz, où se trouve le studio de mon producteur et monteur.
NdlR : Depuis, Natalia a mis au monde un petit garçon. Il porte le prénom de Sacha.
La Révolution de Dignité inspire de nombreux réalisateurs, artistes, pour le film « Sacha H…. » qu’est ce qui fait la différence ? En quoi ce film est-il particulier ?

Au centre Emmanuel Graff, à droite Natalia Andrushenko le fil rouge du film, à gauche Viktor le traducteur et preneur de son.
Nous avons choisi de suivre un destin, une vie et, malheureusement, aussi une mort. Donc nous sommes allés rencontrer la famille, les amis, les proches, la fiancée, et les camarades du Maïdan de ce Sacha. Nous avons choisi de traiter le général par le particulier. Nous tentons donc de faire un documentaire sur le Maïdan de cette façon, afin de ne pas faire ce qui a été déjà fait par d’autres. Nous voulons rentrer dans la peau d’un de ces jeunes Ukrainiens. Il ne peut plus témoigner, il est mort, mais il vit encore, par ses proches, et nous tentons dans ce film de le comprendre.
Pourriez – vous parler de votre équipe ? Des difficultés de travail (manque de financement) etc.
Afin de garder des relations authentiques avec les personnes interrogées, l’équipe a été réduite au minimum: moi à la caméra, un perchiste-traducteur, et Natalia comme la personne fil rouge du film qui parle aux gens et les questionne.
De retour en Suisse et au studio en France, il a fallu beaucoup travailler les questions de traductions, pour lesquelles nous avons utilisé plusieurs personnes. Le travail en studio a également mobilisé entre 3 et 5 personnes, à Metz.
Il est très difficile de financer ce genre de film. Nous avons du passé par uns souscription de crowdfounding, et payer nous même nos frais divers (transport, matériel, etc).
Nous sommes portés par la passion que nous avons pour notre thématique et la souscription nous a permis de financer le principal : le travail de montage et la fabrication des DVD sorti début 2016. Pour le reste, nous avons gratté nos propres fonds (de tiroir).
La vidéo qui suit a été réalisée en hommage à Sacha Hrapachenko (NDLR)
Quel message voulez -vous faire passer aux Européens, aux Français (et Suisses), aux Ukrainiens, en particulier par le biais de ce film ?

La famille, le 20 février 2015, sur les lieux, place Maïdan… 1 an après…
Ce film est destiné aussi bien aux Ukrainiens, très au fait des événements, mais aussi aux Européens qui ont une très vague connaissance de l’Ukraine et n’ont pas bien compris ce qui s’est passé au Maïdan.
En fait de message, il faut plutôt parler de témoignage. Sans doute en réaction aux marques de mépris ou de suspicion envers le Maïdan qui ont eu lieu en Occident dans certains milieux, nous avons voulu témoigner de l’intérieur par un destin, dont nous tentons d’aller aux sources même.
Mettre en avant les motivations de ce jeune, également celles de son entourage, et aussi traiter de l’après Maïdan : quelle justice pour les morts ?
La sortie du film en DVD a eu lieu. Où nous nous en procurer ?
Le plus gros de travail a été réalisé à Metz. Les DVD des deux films peuvent être commandés via nos pages Facebook en envoyant un message privé.
Page Facebook du film documentaire “Sacha H., des Ailes au Maïdan »
Page Facebook du film documentaire « Carnets Ukrainiens »
Nous avons récemment fait la projection de ce film en Suisse romande, en France (Paris). En fait, nous voudrions que des projections aient lieu dans les villes où vivent des gens qui nous ont aidé à financer le film (ainsi que toutes les villes intéressées), dans des festivals, et allons bien entendu tenter de rendre ce film visible par une chaîne TV française, belge et/ou suisse.
Quant à l’Ukraine, nous avons passé ces deux films à Kiev, Kharkiv (la ville natale de mon épouse) et Rivne.
Notre prochaine projection où nous invitons cordialement ceux qui veulent connaître l’Ukraine, est prévue à Algrange (Moselle) les 18 et 19 juin, au Centre Social. En savoir plus, réservations : Cie L’Assolatelier (Voir l’affiche ci-dessous et le lien-événement ).
Dites quelques mots de l’ACRU (Association Culturelle Romandie-Ukraine) que vous présidez.
L’Association culturelle Romandie Ukraine, dont je suis le secrétaire et non le président, a été créée en 2014, lorsque la diaspora de Lausanne s’est aperçue qu’elle n’était pas structurée.
Depuis, l’ACRU a fait des soirées diverses, soit en invitant des personnes de Paris, Nantes, d’Ukraine pour des rencontres destinées aussi bien aux autochtones de la région que pour la diaspora, soit en organisant des soirées culturelles rassemblant surtout des Ukrainiens de la région.
La Suisse romande est une région très mélangée où beaucoup de communautés de migrants ont une association, en ce qui concerne les Ukrainiens cela n’existait pas. Désormais ils sont donc “visibles”, et on peut les contacter.
Il fallait le faire, aussi bien pour cette visibilité vers l’extérieur, que pour une fonction endogène : pouvoir se connaître et se rassembler plus facilement.
Et en 2014, il est clair que ce besoin était très réel.
Prochaine projection des films d’Emmanuel Graff, « Sacha H., des Ailes au Maïdan » et « Carnets Ukrainiens » est prévue à Algrange (Moselle) les 18 et 19 juin, au Centre Social. En savoir plus, réservations : Cie L’Assolatelier
Questions posées par Viktoria Mait, article original sur le blog
Quelques liens :
Emmanuel Graff, filmographie http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_auteur_liste/4012
Revue de presse :
- « Le héros tragique de mon film incarne l’ Ukrainien moyen »
- “Les Justes finissent toujours par gagner”: interview avec le cinéaste Emmanuel Graff
- Швейцарський режисер Еммануель Графф: Для мене час тепер ділиться на до і після Майдану
- У Києві презентували фільм про героя Небесної сотні
Page Facebook du film documentaire “Sacha H., des Ailes au Maïdan »
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Ensemble, nous vaincrons !
2 Réponses to “Entretien avec Emmanuel Graff, réalisateur du film documentaire « Sacha H., les Ailes au Maïdan »”
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