Par Alla Lazareva, journaliste à Oukraïnskyi Tyzhden, cette version de l’article en français a été initialement publiée par Stop Fake L’original de l’article est disponible en ukrainien sur le site de Tyzhden
Séparer le journalisme «pur» de la propagande… Nous sommes nombreux qui n’en peuvent plus du mensonge flagrant qui s’étale en toute impunité sur de multiples comptes des réseaux sociaux. Ce mensonge vient de sites suspects, provenant souvent de sources douteuses de manière à atteindre un maximum de gens.
Bien entendu, les lois existantes sur la calomnie et la diffusion d’informations mensongères, dans la plupart des pays du monde, prévoient des peines pour la diffamation. Mais comme le démontrent les événements, les mécanismes juridiques disponibles sont trop lents pour résoudre ce problème, alors que l’information circule vite dans la réalité de la société numérique. Il suffit de se retrouver, au moins une fois, face à l’attaque de trolls, pour se rendre compte. Il est impossible de trouver et punir les coupables à l’aide des mécanismes juridiques de l’époque pré-Internet.
Apparemment, le président français n’a pas oublié l’expérience des attaques qu’il a subi en provenance de la Russie, lors de l’élection présidentielle. Emmanuel Macron a promis lors de ses voeux à la presse, de présenter un projet de loi sur la lutte contre les «fakes», pour que les grands réseaux sociaux deviennent plus exigeant quant à l’information politique. En outre, ces réseaux sociaux seront obligés de divulguer publiquement l’identité des annonceurs pour diffuser de la publicité. De plus, il est prévu de créer un mécanisme permettant un appel rapide à la cour pour supprimer immédiatement les fakes et faux messages sur la Toile.
Il était facile à deviner que ce sont surtout RT et Sputnik qui ont inspiré Emmanuel Macron pour engager la lutte contre les fakes. Les deux «médias» se sont beaucoup activés lors des élections américaines, françaises et allemandes. Parmis les options, l’équipe Macron réflechit à l’élargissement des pouvoirs du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel). Le but est de doter la structure de mécanismes de révision des accords conclus avec les radiodiffuseurs étrangers. Comment ne pas penser de la chaîne de télévision RT en français qui a commencé à émettre fin décembre! Reste à savoir, si Macron arrivera à faire adopter une nouvelle loi par le parlement. Certes, son parti dispose d’une confortable majorité à l’Assemblée Nationale. Mais l’opposition ne cesse pas à critiquer l’initiative.
C’est Marine Le Pen, la leader du «Front National», qui a paniqué la première. La dirigeante d’une force politique financée par la Russie a tweeté: «Qui va décider si une information est fausse? Des juges du Syndicat de la Magistrature? Le gouvernement? Très inquiétant!».
Qui va décider si une information est fausse ? Des juges du Syndicat de la Magistrature ? Le gouvernement ? MLP #VoeuxÀLaPresse https://t.co/ABxEL6QnW8
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 3 janvier 2018
D’autres députés du FN s’alarment sur «le danger pour la liberté d’expression». Et pourquoi pas? La méthode s’est avérée efficace, dans le passé. C’est durant des décennies que les représentants de la «Pravda», d’«ITARR-TASS», d’«APN» et d’autres structures de propagande étaient accrédités partout en tant que journalistes. Sous cette couverture, ils ont receillis des informations utiles au Kremlin pour des buts qui n’ont pas grand chose en commun avec le journalisme honnête. La plupart des hommes politiques et des intellectuels occidentaux se rendaient bien compte de ça, mais ne disaient rien. Depuis, la propagande et le journalisme se sont emmêlés de telle façon que les séparer deviennent terriblement dur.
La liberté de mentir a pris l’habitude de se déguiser en liberté d’expression. Qui abandonnera un tel privilège? Et voilà déjà Libération, en s’adressant à son lectorat d’extrême gauche, qui condamne E.Macron pour s’engager sur «une fausse piste» .
Le journal se réfère à l’article 27 de la loi de juillet 1881 qui prévoit la possibilité de punir d’une amende de 45 000 euros celui qui répand des mensonges. A son tour, rappelle Libération, le code électoral punit, d’un an de prison celui qui discrédite délibérément un candidat. C’était surement suffisant en 1881, quand les trolls, les bots et les autres créatures n’interféraient pas dans la vie politique. A l’époque, toute l’information contestable était imprimée avec l’indication du nom de l’auteur, rédacteur et propriétaire de l’édition.
La Toile permet de se servir abusivement de l’anonymat. Nul ne sait si Macron et son équipe trouveront des mécanismes juridiques pour contrer les fakes, mais il est évident que le temps est venu pour s’opposer à l’opacité de la publicité politiques sur les réseaux sociux. Facebook a reconnu récemment que 126 millions d’Américains ont été abusés par des fausses nouvelles lors de l’élection présidentielle aux Etat-Unis. Ainsi, l’automne dernier l’entreprise a recruté un millier de modérateurs pour vérifier les contenus controversés. Ces gens sont chargés d’analyser la publicité politique et les annonces payantes pour supprimer les agissements suspects.
Mais est-ce que ces démarches privées seront suffisantes? Les Allemands ont déjà adopté une loi sur la lutte contre les fakes, les Américains élaborent un projet de loi similaire. Les vieilles démocraties, rattrapées par la guerre hybride, cherchent comment limiter la liberté de mentir. Le Kremlin mène la guerre non seulement contre l’Ukraine, mais contre le monde entier. Le problème, c’est qu’on ne réalise cela que lorsqu’on devient soi-même la cible d’une campagne de désinformation, et l’on se rend compte, alors, que cette arme est aussi dangereuse que n’importe quelle autre.
Par Alla Lazareva Source: Tyzhden.ua
InformNapalm publie cet article traduit en français par StopFake France avec l’aimable autorisation de ce dernier.
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