Par Denys Kolesnyk et Igor Reshetnyak
Le 28 juin 2016, le groupe Amitié France-Ukraine de l’Assemblée Nationale, avec la participation de la Fondation Robert Schuman, du Centre d’Analyse de Politique Etrangère et de la Fondation pour la Recherche Stratégique, ont organisé un colloque dont le nom était très prometteur «Ukraine, au-delà de la guerre».
Malheureusement, le contexte de la tenue de cet événement n’était pas très positif. D’une part, l’Assemblée Nationale et le Sénat avaient adopté, il n’y a pas si longtemps, des résolutions demandant la levée des sanctions décidées à l’encontre de la Russie. Même si Rémi Pauvros, Président du groupe Amitié France-Ukraine, a rappelé dans son introduction que la France n’a qu’une seule politique étrangère, ces résolutions ont laissé un arrière goût amer.
D’autre part, le Brexit venait juste de s’ajouter à la liste des problèmes de l’UE et, donc, détourner encore plus l’attention de la communauté internationale de l’Ukraine, ce qui peut expliquer l’ absence d’un certain nombre d’intervenants, annoncés initialement.
Dans cette ambiance, il n’est pas surprenant qu’une grande partie d’ interventions portait sur la guerre en Ukraine, avec une idée claire de rappeler, que la pression sur la Russie doit être maintenue.
Malgré ce climat, un certain nombre de thèses intéressantes, véritablement, au delà de la guerre, ont été évoquées : Nicolas Tacussel, psychothérapeute et Président-fondateur de l’association « Smile for Ukraine » a remarqué que finalement à Kyiv, on ne ressentait pas tellement la guerre. Etant une chose assez évidente pour les Ukrainiens, du fait que les distances sont assez grandes, ceci ne l’est pas toujours pour des Français qui connaissent malheureusement trop peu l’Ukraine. Alexis Struve, président de Business France à Kyiv, a, pour sa part, évoqué un certain nombre de signaux positifs, que donnent l’économie ukrainienne et les réformes dans différents domaines qui progressent. Un exemple très concret de la reprise de la dynamique positive est l’implantation de trois nouvelles entreprises françaises en Ukraine: deux dans le domaine médical et une dans l’architecture. Enfin, Alain Guillemoles et Cristine Dugoin-Clément, ont parlé de la société civile ukrainienne, qui est très dynamique et reste un des atouts importants du pays.
Curieusement, cette dernière était, finalement, assez peu représentée au colloque. Mis à part M. Kulich, volontaire de Kharkiv, l’Ukraine était représentée par S. Tarouta, député et (ex-)oligarque ainsi que Vadym Omeltchenko, le soi-disant expert indépendant. L’insitut Gorchenine, dont ce dernier est Président est surtout connu en Ukraine pour sa proximité avec l’oligarque Firtach. Dans ce contexte, il n’était pas surprenant de l’entendre poser la question, si l’Ukraine avait besoin de l’UE, propos qui s’inscrivent dans la réthorique des politiciens proches de Ianoukovitch. Faisant, du dernier panel, modéré par le pro-russe Pierre Lellouche, le moins apprécié.
Dans son discours de clôture, Madame Isabelle Dumont, ambassadrice de France en Ukraine, a réussi de bien résumer un certain nombre de points clés du colloque :: les problèmes et les progrès ont été évoqués en toute liberté, la diversité qui, constitue un atout, a été mentionnée, enfin un certain nombre d’axes de travail et perspectives ont été tracés.
En même temps, son Excellence a déploré le fait qu’on n’a pas pu sortir du contexte de la guerre lors de ce colloque. Sur le fond, ceci n’était pas si surprenant, car comme l’a souligné Jacques Faurre, ancien ambassadeur, l’Ukraine reste méconnue en France. Par conséquent, un certain nombre d’idées de base ont besoin d’être évoquées, surtout dans le contexte actuel, ce qui laisse moins de temps aux sujets plus complexes. Heureusement, cette idée d’aller au-delà de la guerre n’est pas irréalisable, si on va au-delà du niveau des rares colloques.
Dans une tribune publié dans le quotidien Le Monde, un certain nombre de chercheurs appelaient à la refondation de l’école française de la pensée stratégique sur la Russie, en notant le besoin d’affirmer les intérêts de la France et de l’Europe. Si dans le cas de la Russie il existe tout de même un certain nombre de pôles d’études, pour ce qui concerne les études ukrainiennes, elles ont besoin d’un vrai renforcement en France. Là encore l’Allemagne a un pas d’avance.