
Dans nos enquêtes précédentes, nous avons analysé les activités de l’entreprise ‘Rosatom‘, qui propage l’influence de Poutine à travers le monde via les technologies nucléaires, ainsi que du bureau de conception ‘Raduga‘, qui fabrique des missiles de croisière pour tuer des civils en Ukraine. Mais qu’est-ce qui relie ces deux entreprises apparemment différentes ? En plus d’être des instruments entre les mains du régime du Kremlin, elles sont également connectées par le bureau de conception ‘Mars’ (FGUP MOKB ‘Mars’).
MOKB ‘Mars’ est une entreprise russe spécialisée dans le développement de systèmes de contrôle automatique embarqués et de navigation pour les aéronefs et les engins spatiaux. Actuellement, le bureau produit des systèmes de contrôle embarqués pour les engins spatiaux des séries ‘Elektro-L’, ‘Arktika-M’, et ‘Spektr-UF’, mais, plus important encore, il modernise et fabrique des systèmes de contrôle pour les blocs d’accélération et les systèmes de contrôle embarqués des missiles de croisière de MKB ‘Raduga’.
Cette entreprise modernise et entretient pour le bureau d’études ‘Raduga’ les systèmes K-051M, U501M, ainsi que les modules de navigation SN-99, utilisés dans les missiles de croisière de la série ‘X’ (X-32, X-59, X-101). Pour la société MKB ‘Raduga’ et SA ‘Usine de construction mécanique de Doubna nommée d’après M.P. Fedorov’ (ci-après DMZ), les deux entreprises sont soumises à des sanctions internationales.
Les rapports sur l’analyse des missiles de croisière révèlent des défaillances dans les systèmes K-051M et U501M.
Dans le rapport du 13 février 2023, MOKB ‘Mars’ a réparé ces systèmes pour MKB ‘Raduga’ et l’usine de Doubna (DMZ).
Le principal problème des systèmes K-051M et U501M est leur défaillance récurrente, comme d’autres composants des missiles, due au manque de composants électroniques occidentaux en raison des sanctions internationales, entraînant des dysfonctionnements fréquents dans les missiles de la série X.
À titre d’exemple, le tableau des pannes et réparations des missiles X-32, au 19 septembre 2022.
- Les tableaux présentés sur l’image peuvent être téléchargés à partir du fichierThe tables shown in the figure can be downloaded from the *.xlsx.
Le tableau montre que plus de 50 % des missiles X-32 présentaient des problèmes avec les systèmes K-051M et U501M, qui ont souvent pu être corrigés, mais avec des coûts en ressources et en temps.
Selon nos informations, DMZ a reçu une instruction du ministère de l’Industrie et du Commerce de Russie pour augmenter la production de missiles X-32 en 2023 de 80 à 207 unités, et en 2024 de 132 à 215 unités. On peut donc supposer qu’une partie importante de ces missiles souffrira de problèmes techniques qui devront être résolus.
Un autre composant essentiel des missiles est le système de navigation SN-99.
D’après l’enquête de Frontelligence Insight, les systèmes SN-99 fabriqués en mars 2023 et utilisés dans les missiles ayant attaqué des villes ukrainiennes contenaient des composants électroniques de sociétés occidentales telles que Silicon Laboratories, NXP Semiconductors, Dallas Semiconductor, SPANSION, Maxim Integrated Products, et Integrated Silicon Solution. Les russes ont affirmé qu’il s’agissait de produits nationaux, mais il est peu probable qu’ils aient pu remplacer ces composants occidentaux en si peu de temps.
La question se pose donc : comment obtiennent-ils ces composants occidentaux ? L’explication principale est que MOKB ‘Mars’ est subordonnée à l’entreprise publique russe ‘Rosatom’.
Apparence du module SN-99 selon le rapport de storymaps.arcgis.com.
Comme nous l’avons indiqué dans notre enquête sur les activités de ‘Rosatom’, cette société n’est pas entièrement soumise aux sanctions internationales, à l’exception de quelques-unes de ses filiales. Ainsi, sous prétexte de fournir des composants occidentaux pour la construction et la modernisation de centrales nucléaires, ces composants sont en réalité destinés à MOKB ‘Mars’, qui s’occupe des dispositifs de navigation des missiles de croisière russes.
Il est important de noter que ‘Rosatom’ se procure probablement des composants électroniques occidentaux pour ses équipements utilisés dans les centres de traitement des données (CTD) des centrales nucléaires. Cependant, ces composants peuvent tranquillement être acheminés vers MOKB ‘Mars’ pour entretenir les systèmes de contrôle des missiles de la série X.
L’équipement utilisé dans le centre de traitement des données de la centrale nucléaire de Rosatom
Selon l’étude sur le bureau d’études ‘Raduga’, cette entreprise continue de se développer malgré les sanctions. Pour son expansion et l’achat d’équipements, elle collabore avec des sociétés telles que Farsoon (Chine), Hangcha (Chine), Hision (Chine), Fagima Jazz R (Italie), Automator (Italie) et Hottinger GmbH (Allemagne). Elle prévoit d’augmenter sa production de missiles X-101 de 20 % en 2025.
Compte tenu de ce qui précède, la Russie n’est toujours pas en mesure de créer une chaîne de production fermée pour les composants électroniques de son complexe militaro-industriel. Elle utilise donc toutes les possibilités à sa disposition pour se procurer des composants occidentaux.
‘Rosatom’ est l’un des moyens pour contourner les sanctions. Il profite de l’absence de sanctions internationales le concernant pour acquérir de l’électronique occidentale, laquelle est ensuite transférée à MOKB ‘Mars’, qui fait partie de ‘Rosatom’ et assure l’entretien des systèmes de contrôle et de navigation des missiles de croisière.
De plus, ‘Rosatom’ a reçu du gouvernement russe la mission de garantir l’indépendance technologique et la sécurité des infrastructures critiques de traitement de l’information en Russie. À cette fin, une société anonyme, ‘Organisation scientifique et industrielle des systèmes d’information critiques’ (AO ‘NPO ‘KIS’), dont toutes les actions appartiennent à ‘Rosatom’, a été créée.
L’objectif de cette société est de soutenir et de développer l’industrie radioélectronique et le secteur informatique russes Il est prévu que cette société rachète des entreprises russes clés dans le domaine de l’électronique, où elle pourra développer sa production et qu’elle cherchera également à aquérir des composants occidentaux par divers moyens.
Cependant, les sanctions ont bel et bien un effet, comme en témoignent les nombreux missiles de croisière défectueux en raison de l’absence de composants occidentaux ou de la difficulté de créer une base technologique nationale pour les remplacer. Malgré toutes les déclarations de la Russie sur son passage à la production locale de ces composants, cela n’arrivera pas de sitôt, et les Russes continueront de chercher à se les procurer en contournant les sanctions internationales.
Il est nécessaire d’intensifier la pression des sanctions, en incluant notamment ‘Rosatom’ et ses filiales, et de s’assurer que ces sanctions sont strictement appliquées. C’est seulement ainsi que l’industrie militaire russe pourrait ne plus être en mesure de répondre pleinement aux besoins du pays dans sa guerre contre l’Ukraine.
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