Depuis le matin du 2 avril les agences de presse internationales couvrent largement l’escalade du conflit armé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Certains orateurs et médias ont même suggéré la reprise d’une guerre à grande échelle, malgré que ses flammes ont été éteintes, il y a plus de 20 ans.
Les racines du conflit remontent aux temps de la fin de l’Union Soviétique quand l’empire sénescente ne pouvait déjà plus empêcher la « marche de souveraineté » qui se déroulait sur son territoire. En outre, les aspirations nationales et les conflits territoriaux entre les nations ont été utilisés comme un moyen de lutte pour le pouvoir entre les différents groupes à Moscou. Suite à la connivence et parfois carrément, aux incitations de la part du Kremlin, les tensions dans la région du Haut-Karabakh (région autonome d’Azerbaïdjan peuplée d’Arméniens) se sont transformées en une guerre sanglante (1992-1994), menée déjà par deux états indépendants : l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Cette dernière,, bien sûr, ne se reconnait pas en tant qu’une partie du conflit, sinon elle aurait comparu devant la communauté internationale comme un pays agresseur, occupant une partie importante du territoire de son voisin.. La position arménienne est que l’Azerbaïdjan est opposé à « la République du Haut-Karabakh », qui défend son droit à l’indépendance. Mais cette astuce ne change pas le fait que toute la longueur de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est une ligne de front. En outre, la Turquie a bloqué sa frontière avec l’Arménie. En conséquence, l’Arménie devient un petit pays isolé du monde, ayant la frontière terrestre seulement avec la Géorgie et l’Iran.
Selon l’ « étrange coïncidence », c’est l’OSCE à Minsk .qui gère la régulation tant du conflit du Haut-Karabakh, que du celui de Donbass. Nous, nous avons les accords de Minsk, et eux, ils ont le Groupe de Minsk, dirigé par les co-présidents comme la Russie, la France et les États-Unis. Quel est la réussite du processus de paix entamé à Minsk concernant le conflit du Haut- Karabakh ? On peut en juger sachant que le conflit n’est toujours pas résolu, depuis plus de deux décennies. En outre, les escalades se reproduisent de temps en temps, comme des tirs et des batailles de positions. Depuis le cessez-le-feu officiel conclu en mai 1994 et à ce jour, des centaines de soldats ont été tués des deux côtés. Bien sûr, l’incident survenu en avril, est le plus meurtrier de tous les temps: l’artillerie lourde, des véhicules blindés, l’aviation ont été mis en action. Toutefois, il n’y a pas de raisons de s’ attendre au déclenchement de la guerre à grande échelle. Les experts qui surveillent constamment la situation dans le Caucase du Sud, ont des nerfs solides, et leurs prédictions sont réservées.
Durant les deux dernières décennies de conflit, le Haut- Karabakh est devenu stable et gérable; la parité règne entre les deux parties, ne permettant pas l’un d’eux d’obtenir la victoire. D’une part, l’Azerbaïdjan a augmenté son potentiel militaire : les dépenses de la défense du gouvernement à Bakou dépassent déjà le budget total de l’Etat de l’Arménie. Bakou veut la revanche militaire, mais des circonstances l’en empêchent. L’Arménie est membre du bloc politico-militaire dirigé par la Russie. La 102e Base militaire russe est déployée sur le territoire de la ville arménienne de Gyumri. En outre, la Russie a une frontière commune avec l’Azerbaïdjan. On estime à Bakou pouvoir dominer l’Arménie, a condition que la Russie ne prend pas part au conflit .
Voilà pourquoi, pour le moment, les perspectives du changement radical de la situation sont floues. Le problème du Haut- Karabakh est devenu facteur de la politique interne entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Faisant appel à la nécessité d’être prêt à défendre et libérer leur terre, les autorités de deux républiques sont à la recherche du soutien auprès de leurs citoyens, ce qui leur permet de renforcer leur position. La question non résolue du Haut-Karabakh est devenu gage de légitimité des régimes existants à Bakou et Erevan. Les escalades qui surviennent sont destinées à servir comme un rappel que « le danger subsiste » et qu’ il est nécessaire de soutenir les mesures du gouvernement en place.
Cependant, la situation sur l’arène internationale a considérablement changé après le début de l’agression russe contre l’Ukraine en février 2014 . D’autres théâtres de guerre (comme le Donbass, ou la Syrie) nécessitant l’implication du régime du Kremlin, et, à long terme, l’éventualité du déclin de la puissance russe, offre à l’Azerbaïdjan l’espoir que l’Arménie, au moment crucial, se retrouvera sans défenseur. La détérioration des relations entre la Russie et la Turquie permet à l’Azerbaïdjan de compter sur le soutien d’ Ankara. Pas étonnant que les escalades les plus violentes dans le Haut- Karabakh sont observées depuis l’été 2014. Bien que ce ne soient que des tentatives, elles peuvent perdurer.
Malgré le fait que parmi les observateurs de Minsk concernant la question du Haut- Karabakh, il y a la Russie et les pays occidentaux, leurs intérêts sont diamétralement opposés. L’Occident voit le Caucase du Sud, en premier lieu, comme une route d’acheminement des ressources énergétiques en provenance de la mer Caspienne. Tout se passe par un passage étroit par des « gorges de montagne », prises en sandwich entre la Russie et l’Iran hostiles, qui est en danger à cause de la proximité des conflits gelés dans le Haut-Karabakh, l’Abkhazie et la région de Tskhinvali.
Les pays occidentaux cherchent véritablement à résoudre le conflit arméno-azerbaïdjanais. Cela permettra d’ouvrir les frontières et de mettre en œuvre des projets de transport en commun à travers l’Arménie vers la Turquie, en plus de ceux qui sont déjà en service sur le territoire de la Géorgie. Cependant, les pays occidentaux, en ce qui concerne les questions du maintien de la paix, démontrent leur impuissance totale. Ils sont contre la résolution du conflit par des moyens militaires, mais ils ne sont pas en mesure de proposer aux deux parties une autre solution. Pendant ce temps, l’Arménie, en ce qui concerne tous les domaines de la politique étrangère, y compris en Ukraine, est dirigé par le Kremlin. On comprend parfaitement à Erevan que ce ne sont pas les bonnes intentions de l’Occident, mais les garanties militaires de la Fédération de Russie qui contribuent à la sécurité.
La Russie est intéressée à maintenir indéfiniment ce format de Minsk concernant le conflit du Haut- Karabakh, sans rien y modifier. Tout d’abord, cette situation bloque les projets des pays occidentaux en matière de transport d’énergie et permet de maintenir le monopole de la Russie sur l’accès aux ressources de la mer Caspienne et de l’Asie Centrale.
L’Arménie et l’Azerbaïdjan, gênés par ce conflit, sont contraint à chaque fois d’ accorder leur politique étrangère avec celle du Kremlin. La Russie est l’arbitre principal dans cette confrontation, et Moscou n’a pas l’intention de perdre ce rôle. Deuxièmement, la participation de la Russie en tant qu’ intermédiaire dans le règlement d’un autre conflit, avec les pays occidentaux, lui donne de l’importance et de la respectabilité. Compte tenu de la détérioration des relations avec la Russie en raison du conflit ukrainien, le Kremlin tente par tous les moyens de souligner son rôle indispensable pour résoudre les conflits mondiaux urgents. Comment arrêter la vague d’attentats terroristes en Europe, si la Russie n’est pas reconnue membre à part entière de la coalition contre l’EI ? Qui d’autre est en mesure d’arrêter une nouvelle guerre dans le Haut-Karabakh? Peut-être effectivement, celui qui contrôle le niveau de violence. Sans rentrer dans les théories de la conspiration, il est intéressant de noter que l’escalade actuelle dans le Haut- Karabakh était bénéfique à la fois à l’Azerbaïdjan et à la Russie, mais pour des raisons différentes.
En conclusion, nous considérons que la solution parfaite du règlement du conflit du Haut- Karabakh serait de trouver un langage commun entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie sans la «médiation» de la Russie. Bien qu’il soit inimaginable dans l’immédiat de savoir à quelles conditions pourrait se faire un réel cessez-le-feu. Les positions des deux parties semblent incompatibles: c’est à dire la conservation du statu quo par l’Arménie et la restauration de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. Mais la situation géopolitique, en évolution rapide pourrait, en fin de compte, faire l’Arménie méditer sur le fait qu’elle a choisi un mauvais allié. Donc, afin d’éviter la défaite militaire, certaines concessions à faire à l’Azerbaïdjan sont tout simplement inévitables.
Le format de Minsk actuel sur le règlement du conflit du Haut-Karabakh ne mènera pas à quoi que ce soit, dans sa forme actuelle, sauf à plus de décès de militaires et de civils, ainsi qu’à la satisfaction des intérêts égoïstes de la Russie dans le rôle du soi-disant pacificateur . Un rôle similaire est déjà préparé en réserve par Moscou pour ce qui est des accords de Minsk concernant le Donbass.
Par: Maxime Mayorov .